19 août 2019
Photo: José Eduardo Bernardes

Sérgio Moro est un criminel. La déclaration est la synthèse de la rencontre organisée par l’Association Brésilienne de Juristes pour la Democratie (ABJD) ce lundi 19, à la Faculté de Droit de l’Université de São Paulo (USP), lors du lancement de la campagne “Moro ment” – une initiative qui a pour objectif d’expliquer à la population quels sont les crimes commis par le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique alors qu’il était juge de l’opération Lavage-Express.

Les illégalités commises par Moro dans le contexte du Lavage-Express ont été soulevées par Intercept Brasil, qui a divulgué les conversations que l’ex-juge maintenait avec des membres du groupe de travail, qui a culminé par l’emprisonnement de l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva le 7 avril 2018.

Les dialogues révèlent que l’ex-juge a agi comme un chef d’opération, dans un dialogue permanent avec le procureur Deltan Dallagnol, orientant les enquêtes du Ministère Public Fédéral et, en parallèle, intervenant dans la scène politique qui a mené à l’élection de Jair Bolsonaro (PSL) – de qui il a plus tard obtenu le poste de ministre.

Pour Tânia Oliveira, de la Coordination de l’Exécutif National de l’ABJD, il s’agit “d’une triste page de notre histoire”. À l’ouverture de l’événement elle a déclaré : “Aujourd’hui, nous affrontons un gouvernement de caractéristiques clairement néofascistes qui considère ses adversaires politiques comme des ennemis, avec une composition fortement militaire et qui détruit au jour le jour la participation sociale dans la formulation des politiques publiques.”

En accord avec Oliveira, “Sérgio Moro est une fraude et a dû rompre avec les principes les plus élémentaires de la magistrature” pour imposer au pays un projet politique qui ne gagnerait jamais dans les urnes si ce n’était pour l’obstruction de Lula comme candidat.

Les critiques contre l’ex-magistrat ont continué avec la juge en retraite Kenarik Boujikian, qui a demandé l’éloignement “immédiat de Sérgio Moro du Ministère de la Justice”. Elle a revendiqué: “Ce sont 500 jours d’injustice. Nous n’acceptons pas un jugement qui corrompt les institutions. Moro ment parce qu’il a des projets personnels et a fait une fraude de ce jugement. Le judiciaire est en dette avec le peuple brésilien. Est arrivé le moment que le STF remplisse son rôle, libérant tardivement le président Lula”.

Kelly Maffort, de la direction du Mouvement des Travailleurs sans terre (MST) a souligné l’importance de la crédibilité du judiciaire, “pour que les travailleurs sans terre ni toit, qui sont arrivés au bout, souffrant de la réinsertion, puissent avoir confiance dans la Justice”. Elle ajouta :”Pour cela, il est important que Moro quitte immédiatement la fonction de ministre”.

Fernando Haddad, candidat du PT à la présidence battu par Jair Bolsonaro – catapulté par la popularité du Lavage-Express – a affirmé que si Moro n’était pas intervenu dans le procès politique, “Lula aurait monté les marches du Palais du Planalto le 1er janvier 2019”.

L’ex-ministre de l’éducation a attaqué l’ex-juge. “Moro ment, mais Moro, outre être un Pinocchio, est un fantoche. C’est une personne qui au long des 8 mois à la tête du ministère, n’a même pas honoré sa fonction, étant humilié par ce gouvernement qu’il a voulu suivre, après avoir commis une des plus grandes injustices de l’histoire de ce pays.”

Écoutez le passage du discours de Haddad durant l’évènement.

Ce n’est pas seulement avec le Lavage-Express que l’on est hébété, mais aussi avec le comportement des militaires pro-Bolsonaro. Parce qu’il faut commencer à appeler les choses par leur nom. Nous ne pouvons plus appeler Forces Armées une demi douzaine de généraux laquais de Bolsonaro qui l’appuient coûte que coûte. Nous ne pouvons pas appeler Forces Armées ceux qui déshonorent l’uniforme et le Brésil, livrant sur un plateau le patrimoine national. Et ce qui se passe dans ce pays est que, à chaque fois que la Cour Suprême Fédérale est appelé à rendre justice, arrive dans le circuit un militaire pro-Bolsonaro qui menace la Cour, qui téléphone à droite et à gauche, qui dit qu’il y a 300 000 hommes armés, à fond sur Twitter pour contraindre les ministres de la Cour Suprême. Ce que nous devons faire est réduire les intimidations contre le pouvoir judiciaire. Nous devons libérer le judiciaire pour qu’il puisse remplir son rôle et déclare une fois pour toutes que ce procès est une farce et libère Lula pour qu’il se retrouve parmi nous. Et je vais finir en demandant au général pro-Bolsonaro qui a dit qu’il y avait 300 000 soldats armés: à tout hasard, vous avez peur d’un seul homme ? Vous avez peur d’un homme désarmé, qui a seulement utilisé sa salive et sa parole pour convaincre le peuple à suivre un projet généreux ? Vous n’êtes pas capable de faire face à un homme dans la rue, un homme qui dit la vérité au peuple ? Ça n’est pas digne de l’uniforme, ça n’est pas digne des Forces Armées. Lula doit se retrouver parmi nous et la Cour Suprême doit déclarer l’innocence de Lula. Et c’est ça que nous revendiquons, Lula Libre.

Brasil de Fato | Édition: Rodrigo Chagas | Traduit par Marc Cabioch.