LULA DU BRÉSIL

Par Fernando Morais

Dans le Brésil où est né l’enfant Lula, en 1945, ses chances de survivre et d’arriver à l’âge adulte avec une éducation formelle et un emploi digne étaient minimales, quasi nulles. Sur dix enfants nés au Nord-est du pays, deux mouraient avant leur premier anniversaire. Il a survécu; comme il survivrait à la sécheresse, au latifundium [NdT : monopole séculaire de la terre], et à la faim, les trois plaies qui sévissaient dans la région.

Dans le monde dans lequel est né Lula, le destin du Brésil était soumis aux intérêts du côté nord-américain de la Guerre Froide. C’était un pays avec la moitié de la population isolée à la campagne et 56% d’analphabètes (plus de 70% au Nord-est). Les élites retardées vivaient des revenus agricoles et financiers, en combattant avec ténacité quiconque rêverait à un pays développé et socialement juste.

La vie de Lula se confond avec la lutte de toute une génération de brésiliens qui a défié ce destin. Encore enfant il a parcouru, avec sa mère et ses frères et sœurs, le long chemin de Garanhuns jusqu’au littoral de São Paulo, où ils connurent d’autres plaies : le chômage, les bidonvilles, la violence. Et la faim qui rodait toujours. Ils ont survécu grâce à l’obstination de « Dona Lindu », qui a enseigné à ses fils à travailler depuis l’enfance et à partager en solidarité le peu que chacun gagnait.

Lula était un jeune ouvrier quand les militaires ont pris le pouvoir au pays, en 1964. Au cours des années suivantes, travaillant alors dans le cœur de l’industrie brésilienne, Lula a commencé son apprentissage politique par l’action syndicale – à une époque où revendiquer des salaires et des droits pouvait se terminer en prison, torture et mort. En menant des grèves réprimées par la dictature, il a appris que les travailleurs avaient aussi besoin de faire de la politique, d’avoir leur propre parti.

Depuis la création du PT en 1980, la trajectoire de Lula est bien connue. Il a construit le plus grand parti de masses du pays, a disputé et perdu trois élections, s’est dressé contre les préjugés, les puissants, les moyens de communication, pour devenir, en octobre 2002, le premier travailleur élu président du Brésil. En huit ans de gouvernement, il a prouvé qu’il était possible de changer le destin du pays.

À suivre la biographie organisée par le journaliste Camilo Vannuchi.

Photo: Ricardo Stuckert.

LES PREMIÈRES ANNÉES

JUIN / 1935

Eurídice Ferreira de Melo, Dona Lindu, se marie à 20 ans avec Aristides Inácio da Silva, de 22 ans. Les noces seront célébrées seulement au religieux, à des kilomètres de distance du bureau notarial le plus proche, et commémorées avec accordéon et feux d’artifice dans la ferme Carajanas, à Caetés, alors un district de Garanhuns, dans le décor sauvage du Pernambouco. Le couple se connaît depuis toujours. Les familles de Lindu et Aristides sont voisines et suivent la tradition de marier les enfants entre eux, à une époque où les villageois ne sortaient de leur village que pour faire des courses dans la ville la plus proche. Le marché est à Garanhuns, où Aristides, à cheval, achète du sel, du sucre, du kérosène et du savon en échange du peu d’argent qu’il obtient en vendant de la farine de manioc à un moulin local. Fermier de subsistance, le mari fournit du maïs, du manioc et des haricots aux casseroles de Lindu. De temps en temps, une poule, un porc ou du gibier, grâce à la bonne visée d’Aristides.

SEPTEMBRE / 1945

Dona Lindu et Aristides habitent à la propriété Vargem Comprida, à Caetés. L’intérieur sauvage du Pernambouco est châtié par la pire sécheresse depuis 1932. Une autre sécheresse aussi sévère ne sera enregistrée dans l’État qu’en 1951. Avec la culture condamnée, et presque rien à manger ni boire, Aristides abandonne les six fils et la femme enceinte de huit mois et émigre pour tenter sa chance à São Paulo. Sans que personne ne le sache, le migrant amène avec lui Dona Mocinha, une cousine de Dona Lindu, à peine âgée de 15 ans. Elle aussi attend un enfant de lui. Aristides trouvera très vite un emploi comme porteur de sacs dans un entrepôt de café à Santos, sur le littoral de São Paulo, et il ira vivre avec Mocinha dans une maison en bois dans le district de Vicente de Carvalho, Guarujá.

OCTOBRE / 1945

C’est là que nait Luiz Inácio da Silva, à la propriété Vargem Comprida, à Caetés. Il est le septième fils d’Aristides et Dona Lindu. L’accouchement se fait à la maison, une bâtisse humble avec un sol en terre et seulement deux pièces : une salle et une chambre. Les enfants dorment dans des hamacs. Dans la maison il n’y a pas de table, ni de chaises, pas d’eau canalisée et même pas de toilettes, que ce soit dedans ou dehors. Le bain est hebdomadaire, dans un lac éloigné de six kilomètres.

JUIN / 1949

C’est la date du premier portrait de Lula, alors âgé de 3 ans, avec sa sœur Maria, deux ans plus vieille, dans un studio à Garanhuns. Les habits et les sandales, plus grandes que ses pieds, ont été prêtés par le photographe. Lula n’avait rien à chausser et ne connaitrait les chaussures que dans son adolescence, à São Paulo.

JUIN / 1950

Aristides fait alors sa première visite dans l’arrière-pays depuis son départ en 1945. Lula a 5 ans et voit son père pour la première fois. Méfiant, il demande à sa mère : « C’est qui cet homme ? ». Avant de revenir à Santos, Aristide met enceinte Dona Lindu une fois de plus. Cette fois-là, il amène Jaime, son fils, avec lui.

DÉCEMBRE / 1952

En décembre, Dona Lindu réunit ses enfants, vend la maison et le peu qu’ils ont, et embarque dans un pick-up en direction à São Paulo. C’est grâce à une plaisanterie de Jaime que la mère et les enfants sont arrivés au littoral de São Paulo. Aristides, analphabète, dictait les lettres qu’il voulait envoyer à sa femme alors que le fils, alphabétisé, les rédigeait. Dans une lettre, il disait que la vie à Santos était difficile et insistait pour que sa femme reste dans le Pernambouco. Le fils fit le contraire. En se faisant passer pour Aristides, il a conduit la mère à vendre tout et venir à sa rencontre. La famille suit le flux migratoire d’alors, direction aux états du Sud-est, en pleine industrialisation. Des milliers d’émigrants du Nord-est répéteraient le même trajet dans les décades suivantes, fuyant du climat et du manque de perspectives dans leur terre natale qui manquait cruellement non seulement de pluies, mais surtout d’investissements. Rien qu’en janvier 1952 sont entrés 23 000 migrants du Nord-est à São Paulo. La tendance ne diminuerait que vers la décade de l’an 2000, quand les politiques de redistribution de revenus et de création d’emplois entreprises par l’alors président Lula ont fait en sorte que l’IBGE [NdT : Institut Brésilien de Géographie et Statistiques] enregistrât, en 2010, un mouvement de rétention de la population du Nord-est et aussi de retour des émigrants du Nord-est vers leurs états. L’état qui a reçu le plus de revenants au pays à l’époque, a justement été le Pernambouco. Après 13 jours de voyage, serrés dans le camion avec d’autres revenants au pays, la famille débarque à Brás, dans la capitale paulista, et continue vers Santos.  Un bateau les amène finalement vers Vicente de Carvalho où ils retrouvent Aristides et Jaime. Surpris, le père ne montre aucune joie à revoir sa femme et ses enfants. Au contraire, il est nerveux quand il se rend compte qu’il manque Lobo, le chien qui est resté dans l’arrière-pays.

«Mon père était un puits d’ignorance. Un jour, en 1952, ma sœur avait trois ans, je voyais mon père qui mangeait du pain et ma sœur qui en demandait un bout. Mon père prenait les morceaux de pain et les jetait aux chiens. À elle, il ne lui donnait rien. Ça m’a beaucoup marqué. À l’époque j’avais huit ou neuf ans.»

AOÛT / 1953

À 7 ans, Lula commence à travailler comme vendeur ambulant avec son frère Ziza (surnom de Frei Chico à l’âge adulte), trois ans plus vieux. Cacahuètes, tapioca, oranges…Timide, il mourrait de honte à crier « Regardez mes oranges ! » sur les quais de Santos. Il s’est retrouvé cireur de chaussures au centre-ville.

MARS / 1954

Lula fréquente le groupe scolaire Marcilio Dias, en cachette du père. Aristides avait interdit à ses enfants d’étudier et de jouer: travailler était la seule chose permise.

OCTOBRE / 1955

Fatiguée de l’alcoolisme et des grossièretés d’Aristide, qui faisait mal physiquement aux enfants, Dona Lindu abandonne le mari et quitte la maison avec ses enfants. L’étincelle fut une occasion où Aristides a puni Ziza avec des coups de tuyau, puis est allé vers Lula, pour le punir aussi. Dona Lindu s’est interposée face au cadet, alors âgé de 9 ans, comme si elle était un bouclier, pour que le mari ne le frappe pas. Elle a fini par recevoir des coups de tuyau. Pour la première fois, elle a senti la rage du mari et n’a plus admis de prendre des coups de sa part.

«Nous n’avions pas de vie d’enfant, on n’avait pas ce truc de jouer, de taper un ballon, de se divertir. La séparation fut un cri de liberté que ma mère a donné.».

AOÛT / 1956

Lula déménage vers São Paulo et va vivre avec sa mère et ses frères dans la Vila Carioca, un quartier ouvrier dans le district d’Ipiranga. Ils habitent dans le fonds d’un bar, loué par un oncle, où la salle de bains est partagée avec les clients. Il n’y a pas d’asphalte, pas de trottoir, pas d’égout, pas de table ni de chaises dans la maison. En peu de temps, les frères trouvent un emploi et la famille loue une maison en pierre, aussi dans la zone de la Vila Carioca. Pendant la saison des pluies, la maison est envahie par les inondations.

MARS / 1959

Après avoir travaillé comme itinérant, cireur, garçon de courses et auxiliaire dans une teinturerie, Lula trouve son premier emploi avec des papiers en règle dans les Magasins Généraux Columbia. Avec la même timidité qui l’empêchait de crier « Oranges ! », Lula est muet, devient nerveux au téléphone et se mélange les pinceaux en passant les messages. Il est renvoyé. Son plus grand plaisir est de jouer au football. Ou aller au cinéma quand quelqu’un lui prête un costume.

SEPTEMBRE / 1960

À 14 ans, Lula travaille dans la fabrique de vis Marte, où il gagne son premier salaire comme métallurgiste : un demi-salaire minimum. Au travail, surgit l’opportunité de s’inscrire pour le cours professionnel au SENAI, le Service National d’Apprentissage Industriel. Lula n’est pas très enthousiaste pour aller au premier test pour la formation de fondeur, mais passe ses examens pour le deuxième test, de tourneur mécanicien. Il est pris. Pendant trois ans, non seulement il apprend la profession mais il accède aux classes habituelles du curriculum de l’enseignement secondaire, parmi lesquelles l’éducation physique, avec le droit à jouer au basket et au football, pour son grand plaisir. Lula en arrive à jouer au ballon aussi les dimanches en formant une équipe de campagne avec ses collègues ; il participe aux activités culturelles du SENAI, et d’ici peu il devient le fils le mieux payé des enfants de Dona Lindu, assumant une bonne partie des dépenses de la maison. Les six mois de stage exigés par le cours technique sont effectués dans la même fabrique de vis Marte, où Lula a travaillé pendant trois ans et demi et a connu celui qui fut son maitre au tour, le Vieux Barbosa.

MARS / 1962

Employé par la Compagnie Métallurgique Indépendance, à 18 ans, Lula opère le tour dans l’équipe de nuit, très souvent avec des horaires de 19 h à 7 heures. Faire plus d’heures supplémentaires que prévue par la loi était pratique courante dans l’entreprise. À une de ces occasions, vers les 2 heures du matin, un boulon d’une presse s’est cassé et Lula a voulu le réparer. Au moment même où il remettait la pièce à sa place, l’opérateur qui opérait la presse cette nuit-là s’endormit et lâcha le levier de la presse, ce qui la fit tomber sur la main gauche de Lula, lui écrasant le petit doigt gauche. Lula doit attendre jusqu’à 6 heures du matin avec la main enroulée dans des chiffons que le patron arrive et l’emmène à l’hôpital Monumento, qui avait des accords avec l’institut de Sécurité Sociale de l’époque. Le doigt est amputé par une chirurgie. L’épisode n’est pas en soi une exception. Dans un pays où les règles de sécurité du travail sont rarement observées, il y a beaucoup d’ouvriers qui exhibent des membres mutilés, comme si c’était le prix demandé par l’industrialisation. En raison de cet accident, Lula reçoit une indemnisation de 371.000 cruzeiros, équivalent à un peu plus de R$ 15.000 en 2014. Il continue à travailler normalement dans l’entreprise.

DÉCEMBRE / 1962

Lula se diplôme au SENAI. Pour la cérémonie de remise du diplôme final, il met une cravate pour la première fois.

«J’aurais aimé pouvoir suivre un cours supérieur. Je voulais être économiste, mais ça n’a pas été possible. Je ne me plains pas. J’ai l’essentiel : l’engagement idéologique.»

JANVIER / 1963

João Goulart qui deviendra Président de la République après le renoncement de Jânio Quadros, en 1961, arrive finalement à lancer son plan de gouvernement, avec l’approbation, en plébiscite, du retour du présidentialisme, appuyé par 90% de la population. Auparavant, pour prendre possession, il fut obligé par les forces armées à accepter un régime parlementaire, qui lui réduirait ses pouvoirs. Son agenda a une dimension sociale puissante et inclut des mesures comme la réforme agraire et la nationalisation d’entreprises privées dans des secteurs stratégiques. L’appui des ouvriers est proportionnel à la peur des patrons.

MARS / 1964

C’est le coup d’État qui plongera le pays dans 21 années de dictature. Appuyée par les États-Unis et par la plus grande partie de la grande presse et des politiciens traditionnels, la manœuvre est justifiée comme mesure nécessaire pour éloigner le spectre du communisme – qui, selon les militaires et les civils favorables au coup, hante le gouvernement progressiste de João Goulart. Sous le nouveau régime, des congressistes seront révoqués, des partis seront éliminés, des nouveaux gouvernants seront nommés et la censure sera mise en place dans les journaux, les radios et les chaines de TV.

Lula participe à une discussion pour une augmentation de salaire et quitte la Compagnie Métallurgique Indépendance après 11 mois de travail. Il est engagé dans la Fris Moldu Car, une usine métallurgique où il travaille six mois et de laquelle il est renvoyé pour ne pas s’être présenté au travail un samedi, préférant passer le week-end à la plage.

JUIN / 1965

La politique économique régressive adoptée dans le pays après le coup militaire fait en sorte que Lula souffre plus d’un an au chômage. Il déambule d’usine en usine, toujours à pied, sans argent pour payer le transport, et entend toujours la même réponse : « Il n’y a pas de places »

« Des fois, je m’arrêtais au milieu de la route, et je pleurais toutes les larmes de mon corps. Parce que tu perds la perspective. Je n’avais pas beaucoup de responsabilités parce que j’étais célibataire, mais j’imagine pour celui qui est marié. »

JANVIER /  1966

Lula est embauché aux Industries Vilarres, à São Bernardo do Campo, une des plus solides compagnies métallurgiques de l’époque. São Bernardo est une des villes qui font partie de la région connue comme ABC, dans le grand São Paulo, où se trouvent quelques-unes des plus grandes usines du Brésil, principalement des métallurgiques, avec l’accent sur les compagnies automobiles. À la fin de la décade de 1970, São Bernardo avait 210.000 habitants, et la ville voisine Diadema, 90.000. Ensemble, les deux villes réunissaient pas moins que 130.000 ouvriers, presqu’un habitant adulte sur deux. La Volkswagen à elle seule employait environ 40.000 fonctionnaires.

JUIN / 1967

Attiré par son frère Frei Chico, un surnom donné par les collègues à cause de sa calvitie dans le style franciscain, Lula visite pour la première fois le Syndicat des Métallurgistes de São Bernardo do Campo et Diadema, alors dirigé par Afonso Monteiro da Cruz. Il dit qu’il trouve la politique syndicale ennuyante, avec des discussions inutiles, au point de préférer rester chez lui à regarder les feuilletons. Les principaux thèmes débattus sont d’assistance, comme la construction de la colonie de vacances et l’amélioration du département médical. À partir de l’année suivante, ce sera le début du fameux miracle économique, quand la récession sera remplacée par l’expansion gonflée grâce à des emprunts étrangers et à l’augmentation de la dette extérieure. Plusieurs ouvriers de l’ABC percevaient des bons salaires et jouissaient d’un patron de vie proche à celui de la classe moyenne, ce qui démotivait la mobilisation politique, surtout entre les ouvriers du Nord-est, conscients de combien la vie pourrait être pire et apeurés de perdre leur emploi. Et pourtant, après avoir assisté aux premières assemblées, Lula commence à sentir de l’enthousiasme pour les disputes et les débats passionnés entre bons orateurs. Désormais, il se sentait comme devant un match de football.

« Je voulais seulement être un bon professionnel, gagner mon salaire, vivre ma vie. Avoir des enfants. Rien de faire partie de la direction syndicale ne me passait par la tête. »

SEPTEMBRE / 1968

C’est le début de la trajectoire de Lula comme leader syndical. Frei Chico, empêché de disputer une place dans la direction du syndicat parce qu’un autre fonctionnaire de son usine (la Carraço, de carrosseries de camion) l’occupait déjà, convainc Lula à se syndiquer – son matricule est le 25.968 – et recommande le nom du frère sur les listes de candidats qui se disputeraient l’élection au début de 1969, menée par l’alors second secrétaire Paulo Vidal. Lula est accepté parce que les autres membres croyaient que, comme Frei Chico, il était aussi relié à l’alors clandestin Parti Communiste Brésilien, le PCB – ce qui, en théorie, garantirait l’appui des métallurgistes en sympathie avec le « grand parti ».

SYNDICALISTE

AVRIL / 1969

Lula entre dans l’équipe gagnante de l’élection pour la direction du syndicat et prend possession comme second suppléant, le 24 avril. Représentant du syndicat avec les bases, il continue à travailler dans les ateliers et est actif dans la Villares.

MAI / 1969

À 23 ans, Lula se marie avec Maria de Lourdes, sa petite amie depuis ses 18 ans. La cérémonie est simple, dans la maison de Dona Lindu, avec un barbecue et du guaraná. Le couple part en lune de miel à Poços de Caldas, dans le Sud du Minas Gerais. Lourdes est la sœur de son meilleur ami, Jacinto Ribeiro dos Santos, le « Lambari ».

Un an et demi après le mariage, Lourdes annonce être enceinte.

MAI / 1971

Enceinte de sept mois, Lourdes tombe malade. Lula sillonne les hôpitaux publics essayant de la faire interner. En vain. Anémique, victime d’une hépatite et de la négligence des médecins qui ont refusé de l’interner, Lourdes meurt pendant une césarienne d’urgence. Le bébé, un garçon, ne résiste pas plus.

«Celui qui a de l’argent peut tout faire; celui qui n’en a pas ne peut rien faire, n’a aucun droit établi. De la même manière que Lourdes est morte, il se meurt des millions de gens, dans ce pays, sans avoir le moindre traitement médical.»

AOÛT / 1972

En dépression depuis la mort de la femme et du fils l’année dernière, Lula se raccroche aux activités syndicales pour surmonter cette période. Il déménage vers São Bernardo do Campo. Au sein de la Villares, il intervient dans les négociations avec les patrons et se montre habile.

Pour la première fois depuis le cours du SENAI, il change les ateliers de l’usine pour une salle dans le syndicat. Il réintègre la liste élue pour la direction du syndicat, non plus comme second suppléant, mais comme premier secrétaire. Il dirige le département juridique et répond pour le secteur de la prévoyance sociale, récemment créé.

AVRIL / 1973

Lula émerge du deuil plus extraverti et charmeur. Veuf, habitant de nouveau avec sa mère, il fréquente les bals et les bars presque chaque nuit, après la journée au syndicat. Il commence une courte idylle avec l’infirmière Miriam Cordeiro et, peu après, il rencontre Marisa Leticia Casa, veuve comme lui et mère de Marcos, un gamin de 2 ans. Lula est amoureux fou de Marisa quand il apprend que son ex-petite amie est enceinte.

MARS / 1974

Naissance de Lurian Cordeiro da Silva, sa fille avec Miriam Cordeiro. Lula assume sans délai la petite, en désaccord avec ce qu’affirmerait la campagne de Fernando Collor de Mello, en 1989, dans une tentative de démoraliser l’adversaire.

MAI / 1974

Six mois après leur rencontre, Lula et Marisa se marient au civil. Ils passent leur lune de miel à Campos do Jordão. Lula rendrait officielle l’adoption de Marcos, le fils de Marisa, quand le gamin aurait 10 ans.

FÉVRIER/ 1975

Lors d’une nouvelle élection, Lula est élu président du Syndicat, avec 92% des votes, et relève le défi de mener un groupe immense, avec près de 100.000 ouvriers et en pleine expansion. Populaire et bon négociateur, Lula a l’appui de métallurgistes de différentes tendances politiques. L’égide du président antérieur, Paulo Vidal, qui a intégré la liste en tant que secrétaire-général a été essentielle pour son élection. Comme Lula était un piètre orateur, Vidal imaginait que, en pratique, il continuerait à donner les ordres. Lors de la prise de pouvoir, Lula lit un discours dans lequel il fait des critiques aussi bien au capitalisme qu’au socialisme, à n’importe quel régime qui portât préjudice à la liberté des citoyens, quelque chose de peu commun dans ces temps polarisés par la Guerre Froide.

MARS / 1975

Naissance de Fábio Luís, premier fils de Lula et Marisa, neuf mois et neuf jours après la cérémonie de mariage.

OCTOBRE / 1975

Lula fait son premier voyage à l’extérieur, invité à participer à un congrès de Toyota, au Japon. Là, il apprend que son frère Frei Chico, relié au PCB [NdT : Parti Communiste Brésilien], a disparu : ou il est mort ou il est prisonnier. On lui conseille de ne pas revenir au Brésil, de par le risque d’être éliminé par la répression. Lula ignore cette recommandation et revient à la recherche du frère. Il va parler au « II Exército » [NdT : Commando Militaire du Sud-est, siégeant à São Paulo] puis au DOPS [NdT : Département de l’Ordre Politique et Social, organe de répression politique durant la dictature], et seulement un mois plus tard il découvre l’emplacement de Frei Chico, qui à ce moment était torturé au DOI-CODI, le même local où le régime avait fait, quelques jours auparavant, une de ses plus fameuses victimes : le journaliste Vladimir Herzog, mort sous la torture le 25 octobre. Pendant les 21 années de dictature militaire, entre 1964 et 1985, la répression sera responsable d’au moins 437 morts et disparitions, selon le recensement de 2007 effectué par le Secrétariat Général des Droits Humains de la Présidence de la République. L’épisode vécu par son frère a contribué à ce que Lula se renforce dans son opposition à la dictature et arrête de peser ses mots pendant les assemblées.

« Si je dois être fait prisonnier pour ce que je pense, qu’ils me prennent. »

FÉVRIER / 1978

Lula, portant moustache, apparait pour la première fois sur la couverture d’un magazine national, IstoÉ, dans une interview donnée au directeur de la rédaction, Mino Carta, et au journaliste Bernardo Lerer. L’entretien renferme des pensées comme : « Jamais je ne ferai partie du MDB ou de Arena [NdT : les deux seuls partis autorisés par la dictature], ils sont copies conformes l’un de l’autre et ont les mêmes objectifs. Arena et le MDB ne représentent pas la classe ouvrière. Un parti organisé du haut vers le bas ne m’intéresse pas. »

« Je vous dis en toute franchise que je n’ai aucun compromis avec qui que ce soit, et que le syndicat de São Bernardo et Diadema est une du peu de choses indépendantes qui existent sur cette planète. Le seul engagement que j’ai est avec les ouvriers qui m’ont élu. Le peuple marchera la tête haute pendant qu’ils nous critiquent maintenant et ils nous applaudiront demain, si c’est le cas, et avec la conscience tranquille. Malheureusement il y a beaucoup de dirigeants syndicaux qui ont d’abord assuré leurs arrières. »

AVRIL / 1978

Lula est réélu président du syndicat avec 98% des votes. Depuis sa prise de pouvoir, il a impulsé une forme nouvelle et efficace d’impliquer la base. Si les ouvriers ne vont pas au syndicat, alors le syndicat va à eux, en transférant les assemblées vers les portes des usines. Maintenant, sous son deuxième mandat, Lula décide de remplacer les traditionnels bulletins informatifs par du matériel plus ludique, avec des dessins humoristiques et des bandes dessinées. Surgit alors le personnage João Ferrador [NdT : jeu de mot en brésilien : Jean le maréchal-ferrant], dessiné par Laerte Coutinho, icône de l’imprimerie du syndicat de l’ABC.

Lula arrive à amener le mouvement syndical à un niveau de légitimité. Le nouveau syndicalisme qui émerge à l’ABC se montre en même temps combatif et indépendant. En rien il ne rappelle le « lèche-bottisme », pratiqué par des dirigeants plus fidèles aux intérêts des patrons qu’aux revendications de la base, ni « l’appareillisme », caractéristique de directions contrôlées par les partis politiques, habitués à utiliser l’entité comme instrument de divulgation de doctrines et de cooptation de votes, sans identification réelle avec les demandes des travailleurs.

MAI / 1978

Le syndicat organise une grande manifestation le jour férié du Jour du Travailleur. La principale revendication était que l’ajustement salarial aille au-delà de l’indice défini par le gouvernement et prenne aussi en considération le rétablissement du pouvoir d’achat érodé par l’inflation [NdT : une inflation de 40% à l’époque]. Le syndicat ne prenait pas l’initiative de convoquer la base pour la grève, car les grèves étaient interdites, mais ses dirigeants abusaient des sous-entendus quand ils faisaient leurs discours, dans une tentative de convaincre les travailleurs de la nécessité de radicaliser l’action.

Des travailleurs de Scania, une compagnie suédoise avec une usine à São Bernardo do Campo, pointent et se croisent les bras, non satisfaits du réajustement salarial sur le bulletin de paye du 10 du mois. On parle de presque 3.000 métallurgistes en grève, en un arrêt de travail organisé dans l’usine. D’autres usines du secteur automobile se joignent au mouvement. Lula assume les négociations avec Scania et arrive à sceller un accord assez positif, avec 15% d’augmentation réelle. L’exemple se propage dans la région de ABC et ensuite, à d’autres villes de la région paulista. Plus de 150.000 métallurgistes interrompent la production tout en apparaissant sur les lieux de travail. Le même 12 mai, Lula apprend la mort de son père. Seul, Aristides a été enterré à Santos, comme vagabond. Il avait été abandonné par Mocinha et par tous ses 24 fils connus.

« La compression des salaires a fait en sorte que la classe ouvrière, après plusieurs années de répression, fasse ce que n’importe quelle classe ouvrière au monde ferait : refuser aux entreprises sa propre force de travail. »

Pour la première fois, Lula pense à fonder un parti. Ça se passe après un voyage à Brasilia, pendant lequel Lula et d’autres syndicalistes essayent de convaincre les députés de rejeter un décret-loi qui interdit la réalisation de grèves par des catégories considérées essentielles. À l’occasion, le groupe ne rencontra absolument aucun soutien. Entre les 482 députés fédéraux, il n’y en avait que deux d’origine ouvrière : Bendito Marcílio, alors président du Syndicat des ouvriers métallurgistes de Santo André, et Aurélio Peres, de São Paulo, relié au PCdoB. Il fallait 241 votes pour garantir le droit de grève. Il en manqua 239. Lula a même été repoussé : un député dit « Je n’ai pas besoin de vos votes; je ne suis pas de votre terre et je n’ai pas été élu par des ouvriers ». Cet épisode le fait percevoir l’urgence de choisir des politiciens engagés avec la cause des ouvriers.

JUILLET / 1978

Naissance du fils Sandro Luis.

DÉCEMBRE / 1978

Malgré l’illégalité des grèves, on recense plus de 400 paralysations au pays dans l’année, la majorité seulement pendant le deuxième semestre, des mois après les incidents et les manifestations du 1er mai, l’époque traditionnellement utilisée pour les campagnes de négociation salariale.

JANVIER / 1979

À peine l’année commencée, le syndicat décide de préparer la base en anticipant une grève générale, capable de secouer le pays. Comme cela, ils auraient plus de temps pour faire prendre conscience aux travailleurs, affiner les discours et les listes de revendications, et de mieux préparer les activités de mai.

« Dans cette relation employé-patron, la seule arme qui fait que le patronat respecte réellement la classe ouvrière est la grève. »

MARS / 1979

La grève générale éclate. L’adhésion surpasse les prévisions et oblige la direction du syndicat à transférer l’assemblée vers le stade de football de Vila Euclides, seul endroit à São Bernardo capable d’accueillir les 80.000 travailleurs qui se présentent l’après-midi du 13 mars. Sans sonorisation, sans mégaphone ni tribune, Lula est obligé à improviser. Il monte sur une table de bar mise au centre du terrain et commence son discours à voix haute, de manière à ce que les ouvriers les plus proches l’entendent et répètent ses mots à ceux derrière, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le message arrive dans les rangs les plus éloignés.

La grève est considérée illégale par la Justice du Travail. En moins de deux jours, il y avait déjà 170.000 ouvriers métallurgistes en arrêt dans tout l’ABC.

Les véhicules de la Police encerclent le siège du syndicat. Le Ministère du Travail a décrété une intervention, suspendant les dirigeants élus. Quelques jours plus tard, une partie de la base, fatiguée et sceptique, retourne au travail, affaiblissant ainsi la capacité de revendication de la direction.

Lula va parler aux chefs d’entreprise et propose une trêve de 45 jours, avec un retour immédiat au travail moyennant la fin de l’intervention, la réouverture de Vila Euclides, qui avait alors été fermé aux assemblées, le paiement des jours non travaillés, aucun renvoi et, finalement, un réajustement de 11%, comme il avait été offert par les patrons l’année précédente.

En assemblée, Lula demande un vote de confiance et expose les conditions de la trêve. Il annonce : « À la fin de cette période, si nos revendications ne sont pas respectées, je décrèterai moi-même le retour à la grève. » Au bout de 45 jours, les patrons signent un bon accord avec le syndicat, mais ne remplissent pas leur promesse. Il y a des licenciements et des représailles dans plusieurs usines. Une partie des travailleurs, d’humeur exacerbée, défend le « tout-ou-rien » et Lula est appelé de traitre et de vendu. Avec sa légitimité en jeu, Lula propose la dissolution de la direction et la convocation de nouvelles élections. À la fin du processus, sa direction est acclamée à l’unanimité, devenant plus fort face à la campagne de l’année suivante.

MAI / 1979

La Loi de l’Amnistie est adoptée. Entre les exilés autorisés à revenir au Brésil il y a le sociologue Herbert de Souza, le Betinho, frère du caricaturiste Henfil, dont les caricatures étaient fréquemment favorables au mouvement syndical. En 1991, Betinho mènera une campagne nationale de combat: contre la faim, discutée avec Lula au siège du Gouvernement Parallèle [NdT aussi connu comme le Cabinet Fantôme], entité qu’il forma après l’élection de Collor en 1989.

LA CARRIÈRE POLITIQUE

FÉVRIER / 1980

Le Parti des Travailleurs est fondé à São Paulo, dans le Collège Sion. Environ 700 personnes assistent à la cérémonie. La majorité est formée par des syndicalistes, des étudiants, des leaders de mouvements sociaux, des catholiques progressistes et des intellectuels de gauche comme Mário Pedrosa, Sérgio Buarque de Holanda et Lélia Abramo. On trouve aussi présents quelques 400 délégués élus dans les 17 États [NdT : sur les 22 que compte le Brésil à l’époque] dans lesquels le Parti a été légalisé. Le sigle du Parti est le résultat de deux années d’articulations, depuis les grèves de 1978, quand apparut pour la première fois la proposition de créer un parti du peuple, et non seulement pour le peuple : « d’en bas vers le haut », selon la définition de Lula. Bien qu’il ne cite pas le mot « socialisme » dans son manifeste, le parti réunit des militants de diverses tendances de la gauche.

AVRIL / 1980

Début de la grève: 140.000 ouvriers métallurgistes de São Bernardo do Campo et Diadema se croisent les bras. Ils veulent un réajustement réel de 15% sur leurs salaires, alors que les entreprises n’offrent que 3,6%, outre des instruments de garantie d’emploi et de réduction de la journée de travail de 48 à 40 heures hebdomadaires.

Le Tribunal Régional du Travail déclare illégale la paralysation. La répression court après les grévistes, avec des patrouilles ostentatoires et l’utilisation d’hélicoptères de l’Armée qui survolent les assemblées dans le stade de Vila Euclides. Lula, Marisa et leurs enfants sont surveillés en permanence. Il y a une camionnette Chevrolet Veraneio C14 [NdT : un véhicule couramment utilisé par la Police Militaire de l’époque] garée en permanence près de la maison.

Le mandat syndical de Lula est annulé. Le ministre du Travail, Murilo Macedo, décrète pour la seconde fois une intervention sur le syndicat. Outre la révocation de la direction, il est interdit d’utiliser le stade Vial Euclides pour des assemblées. La prison préventive de Lula et de 16 autres syndicalistes est décrétée. Ces mesures rendent les ouvriers furieux et Lula devient une sorte d’oracle de toute la cause travailliste.

Lula est fait prisonnier dans le cadre de la Loi de Sécurité Nationale. À 6 heures du matin, trois véhicules se garent devant sa maison. Six policiers en armes, avec même des mitraillettes, frappent à la porte et pénètrent la maison. Lula est amené au Département de l’Ordre Politique et Social (le DOPS), où il restera 31 jours avec d’autres camarades du mouvement syndical. En prison, il fera une grève de la faim, interrompue le septième jour sur l’appel de l’évêque de Santo André, Dom Cláudio Hummes. Sur l’invitation de l’évêque, les assemblées prennent place dans l’Eglise Paroissiale de São Bernardo.

MAI / 1980

La grève se termine le 41ème jour, sans accord, mais sur un important bilan politique. Bien qu’environ 1.500 travailleurs grévistes aient été licenciés dans les jours qui suivirent la fin de la paralysation, le droit de grève est devenu un point important revendiqué à l’échelon national, et qui serait garanti des années plus tard, dans la Constitution de 1988.

Dona Lindu décède à l’âge de 64 ans, d’un cancer de l’utérus, à l’Hôpital de La Bienveillance Portugaise de São Caetano. Le jour suivant, Lula est autorisé par Romeu Tuma, alors le directeur de la DOPS, à quitter la prison sous escorte pour se rendre aux funérailles de sa mère. La foule présente à l’enterrement encercle le véhicule de la Police et essaye d’empêcher le retour de Lula en prison. Il a même fallu qu’il prenne la parole et convainque ceux qui protestaient que son retour en prison était la chose la plus prudente, alléguant qu’une révolte en ce moment serait motif pour une répression encore plus sévère.

La prison préventive de Lula est abrogée et il peut retourner à São Bernardo, où son retour est acclamé par une fête. Son premier geste en arrivant chez lui est d’ouvrir une cage et libérer l’oiseau qui y était. La même année, Lula créera le PT. En février 1981, il sera condamné par la Justice Militaire à trois ans et demi de prison. Il fait appel et en mai 1982 le procès est annulé par le Tribunal Militaire Supérieur.

« Je crois que je suis arrivé là où je suis arrivé seulement de par la fidélité aux objectifs qui ne sont pas à moi, ils sont à des centaines, à de milliers de personnes. »

Lula est élu le premier président du PT.

JUIN / 1981

En tant que leader et porte-parole du PT, Lula voyage au Brésil et dans le monde. Il se rend dans plus de 10 pays entre 1980 et 1981. Aux États-Unis, il a une audience avec le sénateur démocrate Ted Kennedy, frère de l’alors président John Fitzgerald Kennedy. En Italie, il rencontre le pape Jean-Paul II et le leader syndical polonais Lech Walesa, qui sera récompensé par le Prix Nobel de la Paix en 1983 et gouvernera le pays entre 1990 et 1995.

FÉVRIER / 1982

Deux ans plus tard, le Tribunal Électoral Supérieur reconnait officiellement la fondation du PT et l’autorise à disputer les élections générales cette année-là, pendant lesquelles seront élus des gouverneurs, des sénateurs, des députés fédéraux et nationaux, de même que des conseillers municipaux et des maires de communes. Les maires des capitales d’état étaient encore nommés par les gouverneurs. Lula est candidat au gouvernement de São Paulo et intègre son surnom à son nom, devenant Luiz Inácio Lula da Silva: une stratégie pour être facilement reconnu sur les bulletins de vote par les électeurs qui ne le connaissaient que comme Lula. Lors d’un débat réalisé pendant la campagne électorale, un de ses adversaires, Rogê Ferreira, du PDT, demande : / « En fin de compte, vous êtes communiste, socialiste, ou quoi? ». Lula répond : « Je suis tourneur mécanicien. »

NOVEMBRE / 1982

1.144.648 personnes, soient 10% de l’électorat, votent pour Lula, arrivé quatrième dans la dispute. André Franco Montoro, du PMDB, gagne l’élection. Dans tout le pays, le PT élit 8 députés fédéraux, 12 nationaux, deux maires et 78 conseillers municipaux.

AOÛT/ 1983

Lula est un des artisans de la Centrale Unique des Travailleurs, la CUT, fondée durant le 1er Congrès National de la Classe Ouvrière. L’événement a réuni environ 5.000 représentants syndicaux à São Bernardo do Campo. Étant président du PT, il ne rejoint pas le conseil d’administration, qui est mené par Jair Meneguelli, son successeur à la présidence du syndicat.

NOVEMBER / 1983

Sur la place Charles Miller, en face du stade du Pacaembu, à São Paulo, Lula dirige le premier rassemblement pour les élections directes. Le journaliste Ernesto Varela, pseudo pour Marcelo Tas, accompagne l’évènement :

« Le plaisir de la politique est de sentir que le peuple participe, que le peuple commence à s’éveiller au sentiment d’être lui-même en train de commencer à changer les choses dans le pays. »

AVRIL / 1984

Lula assemble un comité super-partisan en faveur des élections directes. La campagne est entreprise par les partis politiques d’opposition à la dictature. Jusqu’au 25 avril, quand fut voté l’amendement Dante de Oliveira, divers actes et rassemblements mobilisent des millions de brésiliens dans les grandes villes.

MARS / 1985

Naissance de Luís Cláudio, le fils cadet de Lula.

NOVEMBRE / 1985

Fortaleza est la première capitale à choisir un préfet du PT. En fait, une préfète : Maria Luiza Fontenele.

NOVEMBRE/ 1986

Lula est élu député fédéral à la Chambre des Députés, le plus voté du Brésil avec 651.763 votes. Les deux années qui suivent, il participe à l’élaboration de la Constitution Fédérale de 1988 et aide à garantir l’inclusion d’amendements tels que le droit à la grève, le congé maternité de 120 jours et le temps de travail de 44 heures hebdomadaires (48 auparavant).

DÉCEMBRE / 1987

Pendant la 5ème Rencontre Nationale du PT, réalisée dans l’immeuble du Sénat à Brasilia, Lula est proclamé candidat du parti à la Présidence de la République à l’élection de 1989, la première après 29 ans sans élections directes à président. Pour mieux se consacrer à la campagne électorale, il transmet la fonction de président du parti au syndicaliste Olívio Dutra, du Rio Grande do Sul. Luiz Gushiken assumera la présidence par la suite.

« Je suis venu vous dire que j’accepte ce défi, le plus important de ma vie. (…) Je ne sais pas si j’aurai l’aptitude, pendant la bataille, de faire honneur à la confiance que vous avez placée en moi. À présent, une chose que je demande à mon Parti : nous ne pouvons pas mener une campagne avec des doutes sur le segment social que nous représentons. Nous devons faire une campagne classiste, qui parle des intérêts de la classe ouvrière. Et nous devons poser des jalons. Nous devons mettre en évidence les contradictions. Si non, la masse rurale ne va rien comprendre à notre campagne. Nous allons nous battre. »

OCTOBRE / 1988

Lula est le principal mobilisateur de la campagne du PT pour les préfectures brésiliennes. Le parti est vainqueur dans 3 capitales : São Paulo (Luiza Erundina), Porto Alegre (Olívio Dutra) et Vitória (Vitor Buaiz). Au total, il conquiert 36 villes, parmi lesquelles des pôles importants comme Campinas et São Bernardo do Campo.

MARS / 1989

Lula est candidat à la Présidence de la République. Il mène la coalition Front Brésil Populaire, appuyée par le PT, par le Parti Socialiste Brésilien (PSB), du vice-préside José Paulo Bisol, et par le Parti Communiste du Brésil (PCdoB). Sa campagne atteint un grand succès avec le jingle « Lula là ». Aussi connue comme « Sans avoir peur d’être heureux » ou « Une étoile brille », la chanson continuera à être utilisée pour les campagnes suivantes.

« Lula là, une étoile brille/ Lula là, grandit l’espoir/ Lula là, le Brésil enfant / Dans la joie de se prendre dans les bras… »

Lula commence à être pointé comme favori. Les premiers mois, la campagne est polarisée par Leonel Brizola, du PDT. Jusqu’à l’émergence au deuxième semestre de la candidature de Fernando Collor de Mello, qui se fait appeler « le chasseur de maharajahs ». Sénateur de l’Alagoas par le minuscule parti PRN, le Parti de la Reconstruction Nationale, Collor a l’appui des oligarchies nationales, des banques, des grandes industries et de la presse, surtout de la chaine Rede Globo. Aussi dans la dispute, on trouve Mário Covas (PSDB), Paulo Maluf (PDS), Guilherme Afif Domingos (PL), Ulysses Guimarães (PMDB) et 15 autres candidats.

« Il y a un genre de candidats qui est le politicien-Xuxa : avant les élections, c’est bisous-bisous. Après l’élection c’est ciao-ciao. [NdT : Xuxa est une ancienne playmate, top-modèle, présentatrice TV et chanteuse, fameuse depuis les années 80].»

NOVEMBRE / 1989

Lula obtient 11.622.673 votes (16%) et va au second tour contre Collor (28,5%). Désormais, sa candidature est appuyée par un ample réseau de partis progressistes : PDT, PSDB, PV, PCB e partie du PMDB, outre le PT, PSB et le PCdoB.

DÉCEMBRE / 1989

Le chef d’entreprise Abílio Diniz, propriétaire de la chaine de supermarchés Pão de Açúcar, est victime d’un enlèvement à São Paulo. À la TV, on montre des images d’un ravisseur avec un T-shirt de la campagne de Lula. Lors de sa déposition à la police, Humberto Paz, le ravisseur, dira avoir été torturé et obligé par la police à revêtir ce T-shirt.

Lors d’un autre épisode utilisé par l’opposition pour mettre en déroute le candidat du PT, l’avant dernier programme électoral de Collor exhibe un entretien avec Miriam Cordeiro, ex-petite amie de Lula, dans lequel elle affirme que le candidat, après l’avoir rendue enceinte en 1973, lui avait offert de l’argent pour qu’elle avorte et n’avait pas reconnu l’enfant. Elle déclare : « Je ne peux pas soutenir un homme qui en a fini avec ma vie ».

L’entretien est de nouveau diffusé le jour suivant au Journal National sur la Globo. Miriam aurait reçu 200.000 nouveaux cruzados, l’équivalent à 24.000 US$ de l’époque, pour enregistrer cette déposition. Ébranlé, Lula apparait le jour suivant aux côtés de sa fille de 15 ans dans son dernier programme :

« Je ne vais pas répondre à la mère de Lurian, parce que Lurian n’est pas le résultat d’un geste de haine. Lurian est le résultat d’un geste d’amour. (…) En ce qui me concerne, en vérité, ce qui est important est le jugement que ma fille porte sur moi. Et j’ai l’absolue certitude qu’elle saura juger mieux que quiconque le père qu’elle a. »

C’est le dernier débat entre Lula et Collor. Les « meilleurs moments », présentés à l’édition le jour suivant au Journal National, mettent en valeur la participation du candidat du PRN. Vingt-deux ans plus tard, José Bonifácio de Oliveira Sobrinho, “Boni”, alors directeur général de la Globo, admettra lors d’un entretien accordé à Geneton Moraes Neto en 2011, que la chaine non seulement avait manipulé l’édition en faveur du favori de Roberto Marinho mais avait aussi aidé à monter le débat, en interférant avec le maquillage de Collor et plaçant plusieurs dossiers vides qui seraient remplis de supposées dénonciations contre Lula. Boni a dit : « Si je n’ai pas mis un peu de pellicules sur l’épaule de Collor, c’est parce qu’il n’a pas voulu »

Lula est vaincu au deuxième tour, obtenant 31.076.364 votes contre 35 millions attribués au candidat élu. Collor a 53% des votes valides et Lula 47%.

« Il s’en est fallu de très peu pour que, pour la première fois dans notre histoire, le peuple assume le gouvernement du Brésil. Rien ne sera jamais capable d’effacer de ma mémoire et de mes yeux le grand spectacle que le peuple brésilien a offert pendant toute l’année 1989 : un combat pour le sauvetage de l’espoir et de la dignité du peuple brésilien. »

JUILLET / 1990

Lula fonde le « Cabinet Fantôme », un noyau inspiré d’une initiative similaire du Parti Travailliste Anglais, avec pour mission de surveiller les politiques adoptées par Collor et leur proposer des alternatives. Cette structure, en activité non officielle depuis la fin 1989, serait des années plus tard à l’origine de l’Institut de la Citoyenneté, dans lequel seraient élaborées d’importantes politiques publiques, comme la Faim Zéro.

JUIN / 1992

Lula est la figure de proue de l’opposition au gouvernement de Fernando Collor. En tant que président du PT, il mobilise la tribune et met en place une CPI [NdT : Une Commission Parlementaire d’Investigation] sur des dénonciations de corruption, formation de bandes (ayant comme homme de paille le trésorier Paulo César Faria), détournement d’argent et usage de fonds public pour payer des dépenses privées (l’achat d’une Fiat Elba et dépenses pour la « Casa da Dinda » [NdT : la résidence officielle de Collor pendant son mandat]). Deux membres du Congrès déposent la requête formelle pour instaurer la CPI : Eduardo Suplicy, au Sénat, et José Dirceu, à la Chambre. En se basant sur ces dénonciations, nait le Mouvement pour l’Éthique en Politique. Les « visages-peints » [NdT : le mouvement étudiant né en 1992, qui se peignait le visage en jaune et vert, les couleurs du Brésil] sortent à la rue pour demander l’impeachment de Collor.

SEPTEMBRE / 1992

La Chambre approuve l’impeachment du premier président élu après la re-démocratisation. Les enquêtes montrent que Lula serait élu président si les élections avaient lieu en ce moment.

MARS / 1993

Invité par Itamar Franco, le PT décide de ne pas assumer de fonctions dans son gouvernement. Lula aide à articuler un mouvement national de combat contre la faim. L’intention est de transformer les 32 millions de brésiliens qui vivaient sous le seuil de pauvreté – une personne sur cinq – en un thème politique de premier ordre. Le projet d’implémentation d’une politique nationale de sécurité alimentaire inspire la campagne « Action nationale contre la Faim, la Misère et pour la Vie », aussi connue comme la « campagne de Betinho », pour avoir été menée en public et dans la presse par le sociologue Herbert de Souza.

Le Cabinet Fantôme se transforme en Institut de la Citoyenneté. Les années qui suivirent, jusqu’à l’élection de Lula, cette entité civile produira d’importants projets de politiques publiques dans des domaines tels que l’habitat, la sécurité publique, la sécurité alimentaire et l’énergie.

AVRIL / 1993

Il se réalise un référendum pour définir la forme (monarchie ou république) et le système (présidentialisme ou parlementarisme) de gouvernement au Brésil. Bien que plusieurs sympathisants préfèrent le parlementarisme, le PT opte pour appuyer le système présidentialiste, qui en principe attribue un plus grand pouvoir au président, confiant dans la victoire de Lula l’année prochaine.

À Garanhuns, Lula démarre la première Caravane de la Citoyenneté, dont l’intérêt est de mieux connaitre le Brésil, et principalement les principales difficultés des brésiliens les plus pauvres et exclus. Son voyage récupère des thèmes urgents comme les conflits agraires, des entraves à la production agricole, la sécheresse et la misère. Jusqu’en juillet de l’année suivante, Lula et son équipe feront sept caravanes, avec sept trajets différents, parcourant les cinq régions du Brésil dans un total de 40.000 kilomètres carrés. Le magazine américain Newsweek publie un long reportage sur l’initiative. Intuitivement, Lula se prépare une fois de plus à disputer la présidence l’année prochaine.

« Les classes dominantes ont les yeux tournés vers l’Europe et le derrière tourné vers le Brésil. »

SEPTEMBRE / 1993

Leader de l’opposition, Lula est en plein accord avec les plaintes présentées contre les « nains du budget », des congressistes accusés de monter un schéma de pots-de-vin se basant sur l’approbation frauduleuse d’amendements parlementaires.

« Il y a dans le Congrès une minorité qui s’intéresse et travaille pour le pays, mais il y a une majorité de 300 escrocs qui ne défendent que leurs propres intérêts. »

Sa déclaration, défendant l’ouverture d’une CPI pour vérifier les accusations contre les « nains du budget », inspire Herbert Vianna, du groupe « Paralamas do Successo » à composer “Luiz Inácio (300 escrocs)”. Lancée en 1994, la chanson est censurée.

Le refrain dit : « Luiz Inácio a dit, Luiz Inácio a prévenu, ce sont 300 escrocs avec une bague de docteur [NdT : au Brésil, il est courant de recevoir (des parents) une « bague de remise de diplôme », symbole de la fin d’une étape importante de la vie académique] »

Considéré imbattable dans la campagne électorale de l’année suivante, Lula a des conversations fréquentes avec des leaders du PSDB, arrangeant une possible alliance pour la prochaine campagne. Suite à une de ces conversations, le nom de Tasso Jereissati est pratiquement retenu comme vice-président de Lula. Néanmoins, l’alliance PT-PSDB s’effondrera quelques mois plus tard, avec l’ascension de l’alors ministre Fernando Henrique Cardoso, catapulté par les « toucans » [NdT: partisans du PSDB Parti de la Démocratie Sociale Brésilienne] de la région paulista vers la pré-candidature.

JUIN / 1994

Lula est candidat à la Présidence de la République pour la deuxième fois. Son principal adversaire est le sociologue Fernando Henrique Cardoso. En tant que ministre des Finances du gouvernement Itamar Franco, il est présenté comme « le père du Plan Real », de par son succès dans le contrôle de l’inflation en adoptant le dollar comme ballast pour créer, en mars, une monnaie transitoire, l’Unité Réelle de Valeur (URV), précurseur du « real », introduit le 1er juillet. Candidat du PSDB, Fernando Henrique – qui recevra l’appui du propre Lula quand il se présenta au Sénat en 1978 et assistera à quelques réunions de l’organisation du PT, en 1979 – est appuyé dorénavant par tous les secteurs qui, à cette époque, craignaient une victoire de Lula.

Avec un abondant matériel capté en vidéo durant les Caravanes de la Citoyenneté depuis l’année précédente, et connu pour organiser des rassemblements pleins à craquer, avec la participation de divers artistes, Lula est surpris par une loi approuvée au Congrès sur l’initiative du PSDB et du PFL [NdT : Parti du front Libéral, centre droite], ses adversaires : cette année-là, dans les programmes électoraux, il est interdit de montrer des scènes filmées en extérieur.

En raison de la campagne, Lula abandonne une fois de plus la présidence du PT, substitué par Rui Falcão. Lors de la 10ème Rencontre Nationale du parti à Guarapari, l’année suivante, le nom de José Dirceu sera choisi pour la présidence. Depuis lors, Lula serait présenté comme le « président d’honneur ». Des plaintes contre José Paulo Brisol, qui fut candidat au poste de vice en 1989 et remettrait ça en 1994, obligent à former une nouvelle feuille électorale, avec la campagne déjà lancée. L’alors député Aloizio Mercadante prend sa place.

OCTOBRE / 1994

Lula obtient 18% des votes et est vaincu au premier tour par FHC, qui est élu avec 36% des voix. La somme des votes des autres candidats n’arrive pas à 18% de l’électorat. Pour la première fois le PT choisit des gouverneurs : Victor Buaiz dans le Espirito Santo et Cristovam Buarque à Brasilia.

OCTOBRE / 1996

Le PT conquiert 187 préfectures (en hausse par rapport aux 54 de 1992) dans les élections municipales. Entre elles, deux capitales : Porto Alegre avec Raul Pont et Belém avec Edmilson Rodrigues.

MAI / 1997

La compagnie Vale, alors connue comme Vale do Rio Doce, est privatisée. Dans une vente aux enchères contestée en Justice, le consortium Brasil, mené par la CSN [NdT : la Compagnie de Sidérurgie Nationale, une des plus grandes du monde], acquiert le contrôle de l’entreprise pour la somme de 3,3 milliards de R$ (prime de 20% sur le prix minimum). Dans l’opposition, Lula non seulement condamne la privatisation mais aussi le prix payé pour la compagnie. En faisant des calculs seulement sur l’année 1999, la compagnie aurait un bénéfice de R$ 1,21 milliard, l’équivalent à 1/3 de tout l’argent mis sur la table. La critique envers la politique de privatisation menée par Fernando Henrique Cardoso devient un des piliers du PT. Entre 1997 et 2002, 133 entreprises nationales brésiliennes seront privatisées, selon des données de l’IBGE. Le choix de privatiser des entreprises publiques vient dans le sillage du Consensus de Washington, une espèce d’ordonnancier néolibéral adopté par le FMI et recommandé aux pays en développement, qui incluait la privatisation comme un de ses dix piliers. De même Lula condamne la création du « Proer », programme d’aide aux banques et institutions financières qui sont entrées en crise avec la stabilité de la monnaie (la majorité d’entre elles dépendait de l’inflation pour gagner de l’argent). Entre 1995 et 2000, environ 30 milliards de R$ d’argent public ont été affectés dans des lignes de financement crées par le gouvernement pour sauver les banques en faillite, comme la Nationale, l’Économique et le Bamerindus, et éviter un prétendu collapse du système financier. Des fusions et privatisations de banques étatiques, plusieurs avec de sérieux problèmes de comptabilité, ont été stimulées par ce programme.

JUIN / 1997

Le Sénat approuve l’amendement constitutionnel qui instaure la possibilité de réélection du président, des gouverneurs et des maires. Le score indique 62 votes pour et 14 contre, répétant la grande majorité obtenue à la Chambre en janvier : 369 x 111. La décision est déjà valide pour l’élection de l’année suivante, favorisant ainsi l’alors président Fernando Henrique Cardoso. On commence à voir des dénonciations et des confessions selon lesquelles des députés auraient vendu leur voix en faveur du gouvernement.

JUILLET / 1998

Le système Telebras [NdT : un monopole téléphonique étatique constitué de 27 opérateurs régionaux et d’un opérateur longue distance] est privatisé au moyen d’une vente aux enchères.

OCTOBRE / 1998

Après avoir passé l’année 1997 à informer qu’il ne serait pas candidat, Lula cède aux demandes du parti et accepte de disputer la Présidence de la République pour la 3ème fois. Il perd à nouveau contre Fernando Henrique Cardoso au premier tour. Le score est de 53% contre 35%. Ciro Gomes, du PPS, arrive troisième avec 11% des votes. Le PT gagne dans trois états l’élection pour gouverneur : Olivio Dutra, au Rio Grande do Sul, Zeca du PT au Mato Grosso do Sul et Jorge Viana, dans l’Acre.

JANVIER / 1999

Dès le début de son deuxième mandat, FHC introduit une politique différente de ce qu’il avait promis en relation à la monnaie brésilienne. La Banque Centrale adopte le système de taux de change flottant, en arrêtant de le contrôler. Jusqu’en 2000, la monnaie allait vivre une période inédite de maxi-dévalorisation, confirmant l’hypothèse que le taux de change, artificiellement relié au dollar, était maintenu à tout prix, grâce a des intérêts élevés et de faibles investissements dans la production, avec l’objectif explicite de garantir la réélection. Des crises qui explosent en Asie, en Russie et en Argentine à la fin de la décade de 1990 mettent en danger la balance commerciale brésilienne et aident la chute du prix des produits de base à cause de la chute des exportations. Le gouvernement perd de sa popularité et Lula est nommé candidat à l’élection de 2002.

OCTOBRE / 2000

Lors des élections municipales le PT émerge pour la première fois depuis sa fondation, comme le parti le plus voté dans tout le Brésil. Le PT est vainqueur dans 187 villes, dont São Paulo (Marta Suplicy), Recife (João Paulo), Porto Alegre (Tarso Genro), Goiânia (Paulo Wilson), Aracaju (Marcelo Déda) et Belém (Edmilson Rodrigues). Il passe de 1895 à 2485 conseillers et prouve qu’il a déjà atteint la maturité suffisante pour la victoire dans la course présidentielle.

JANVIER / 2002

Le maire de Santo André, Celso Daniel, est assassiné. Ami personnel de Lula, il avait été choisi par l’alors pré-candidat pour coordonner son plan de gouvernement. Après la tragédie, il est remplacé par Antonio Palocci, maire de Ribeirão Preto pour la deuxième fois et ex-président fédéral du PT.

MARS / 2002

Un sondage est réalisé au sein du PT, avant le choix du candidat. Le sénateur Eduardo Suplicy, de São Paulo, proposera son nom comme alternative. Le syndicaliste est pratiquement proclamé, obtenant 80% des voix. Lula impose deux conditions : il sera candidat si le PT signe un ample éventail d’alliances, capables d’engager autour de son nom des représentants de divers secteurs de la société, y compris ceux traditionnellement hermétiques au parti. Il voulait un vice-président relié au monde entrepreneurial.

Le nom de José Alencar Gomes da Silva est officialisé comme vice de Lula. Cette fois-ci, son vice est un entrepreneur de Minas Gerais, industriel du secteur textile et ex-président de la Fédération des Industries du Minas Gerais. La paire est célébrée comme une union opportune entre capital et monde du travail. Les deux biographies ont des points communs. Les deux ont connu une enfance pauvre, ont commencé à travailler très jeunes, n’ont pas suivi l’enseignement supérieur et sont devenus des leaders syndicaux, chacun à sa manière : l’un représentant les travailleurs, l’autre le patronat. Pour concourir, Alencar changera le PMDB par le Parti Libéral (PL), un sigle conservateur avec une forte identité évangéliste.

JUIN / 2002

Lors d’une rencontre organisée pour divulguer son programme de gouvernement, Lula lit la fameuse « Lettre au Peuple Brésilien ». Écrite pour calmer les marchés et accroitre sa base électorale, elle révèle un côté plus modéré de Lula, qui s’engageait à remplir des contrats, y compris sur la dette extérieure et les accords avec le FMI. La lettre met aussi en évidence le compromis du candidat à maintenir le contrôle de l’inflation. En même temps, elle critique le modèle économique, qu’elle fait responsable de la stagnation et des taux de chômage élevés.

« Le nouveau modèle ne pourra pas être un produit de décisions unilatérales du gouvernement, comme ça l’est de nos jours, ni sera implémenté par décret, en mode volontaire. Ce sera le fruit d’une ample négociation nationale, qui doit conduire à une authentique alliance pour le pays, à un nouveau contrat social, capable de garantir la croissance dans la stabilité. La prémisse de cette transition sera naturellement le respect envers les contrats et obligations du pays. »

SEPTEMBRE / 2002

La campagne électorale démarre. Suivant les recommandations de ses publicitaires, Lula adopte un nouveau look. Il taille sa barbe chaque semaine, porte un costume bleu marine avec une cravate rouge lors de toutes ses réunions, sourit plus souvent, crie moins : la presse parle de lui comme « Le petit Lula, paix et amour ».

OCTOBER / 2002

Lula gagne au premier tour avec deux fois plus de voix que José Serra (PSDB), arrivé deuxième (46,4% contre 23,2% des votes).

Au second tour, Lula est élu président de la République, exactement le jour de ses 57 ans. Il obtient 52.793.364 votes, ou 61,3% de la masse électorale, contre les 38,7% de José Serra. Environ 150.000 personnes se rassemblent sur l’avenue Paulista pour fêter la victoire. La foule scande « Joyeux anniversaire » à l’heureux élu. Dans son discours, Lula rend hommage à sa mère, à ceux qui ont fondé le PT comme Mário Pedrosa et Sérgio Buarque de Holanda, à des pétistes historiques comme Chico Mendes, Carlito Maia et à des camarades comme Henfil, Paulo Freire, Betinho, João Amazonas, Celso Daniel et Toninho du PT.

« Je veux que vous sachiez que Zé Alencar et moi, ainsi que le gouvernement que nous allons monter, allons travailler 24 heures par jour, de dimanche à dimanche, pour que nous puissions accomplir tout ce que nous avons promis dans cette campagne. (…) Nous avons besoin de garantir que chaque homme et chaque femme, aussi pauvre qu’il ou elle le soit, ait le droit de déjeuner, de manger et de diner chaque jour que Dieu fait. Nous devons garantir au peuple le droit à se loger. Nous devons garantir au peuple le droit de conquérir sa citoyenneté. »

DÉCEMBRE / 2002

Lula est investi 36º président de la République au Tribunal Supérieur Électoral. Il fait un discours très émouvant et n’arrive à contenir ses larmes.

« S’il y avait quelqu’un qui doutât qu’un tourneur mécanicien sorti d’une usine arrive un jour à la Présidence de la République, 2002 vient de prouver exactement le contraire. Et moi, qui durant tant d’années ai été accusé de n’avoir aucun diplôme universitaire, je reçois le diplôme de président de la République en guise de premier diplôme. »

PRÉSIDENT

JANVIER / 2003

Lula reçoit l’écharpe présidentielle des mains de Fernando Henrique Cardoso. Durant l’acte solennel, le président sortant se gêne avec l’écharpe et en l’enlevant, fait tomber ses propres lunettes. Immédiatement, le président entrant se penche pour ramasser les lunettes et les rend sans cérémonie à son prédécesseur. Pour la première fois, il y a un ouvrier à la Présidence de la République. Lula est aussi le premier président civil élu né au Pernambouco, le premier sans diplôme universitaire et le premier affilié à un parti de gauche. Lula défile sur l’esplanade des ministères à bord de la Rolls Royce officielle, d’abord à côté de José Alencar, ensuite avec la première dame Marisa Letícia. À un moment donné, la voiture doit être poussée. Dans son premier discours, il propose un nouveau pacte social, il promet d’engager la réforme agraire, confirme son engagement avec la production et la création d’emplois et affirme que le combat contre la faim est son principal objectif. Du début jusqu’à la fin, il exalte le sens de changement qui avait enrobé sa victoire.

« Changement : c’est le mot clé, ça a été le grand message de la société brésilienne aux élections d’octobre. L’espoir, finalement, a vaincu la peur et la société brésilienne a décidé qu’il était l’heure d’emprunter des nouveaux chemins. (…) C’est pour cela que le peuple brésilien m’a élu Président de la République : pour changer. C’est le sens de chacun des votes qui ont été attribué à moi et à mon brave camarade José Alencar. (…) Aujourd’hui est le jour des retrouvailles du Brésil avec lui-même. »

Lula emmène la moitié de ses ministres en voyage dans les régions pauvres du Nord- est et du Minas Gerais. Au parcours, des endroits comme le bidonville Irmà Dulce, à Teresinha, les maisons sur pilotis de Récife et la ville d’Itinga, dans la vallée de Jequitinhonha. L’intention est d’assurer que son équipe connaisse la misère et comprenne l’importance de donner la priorité à des politiques de distribution de richesses.

Lula choisit son portrait officiel. Sur la photo, il apparait souriant, avec le drapeau national dans le fond, et sans l’écharpe présidentielle. Avant lui, seul Itamar Franco avait posé sans l’écharpe verte et jaune. Lors de son second mandat, Lula reprendrait la tradition de poser avec l’écharpe.

Lula est le premier président de la République à faire un discours au Forum Social Mondial, dans sa troisième édition, à Porto Alegre.

« Gouverner c’est comme un marathon : tu ne peux pas commencer à 80 km/h parce que ton souffle peut se terminer au premier tournant. Tu dois faire des pas solides, concrets, pour pouvoir terminer le gouvernement avec la certitude d’avoir accompli le devoir. »

« Plus de dix ans après la chute du mur de Berlin, il existe encore des murs qui séparent ceux qui mangent des affamés, ceux qui travaillent des chômeurs, ceux qui ont un logement digne de ceux qui vivent dans la rue ou dans des bidonvilles misérables, ceux qui ont accès à l’éducation et au patrimoine culturel de l’humanité de ceux qui vivent plongés dans l’analphabétisme et dans la plus absolue aliénation. »

Lancement institutionnel du programme « Faim Zéro »

« Aujourd’hui nous faisons un grand pas en avant. Et je sais que ce sera un long chemin, avant d’arriver à notre objectif. La faim ne sera vaincue du jour au lendemain, ni même avec quelques mesures isolées du Gouvernement. La victoire contre la faim va exiger beaucoup d’efforts, beaucoup de persévérance, beaucoup de courage et le dévouement de nous tous durant les quatre années qui viennent. »

MAI / 2003

Lula nomme Joaquim Barbosa au Tribunal Suprême Fédéral (STF). Jusqu’à la fin de ses huit ans de gouvernement, Lula nommera sept autres magistrats, ce qui fait de lui le président qui a le plus nommé de ministres du STF depuis la dictature : Eros Grau, Carlos Alberto Menezes Direito, Ayres Britto, Cármen Lúcia, Ricardo Lewandowski, Cezar Peluso et Dias Toffoli. Issu d’une enfance pauvre et ex-balayeur, Barbosa a fait un doctorat à la Sorbonne (France) et fut procureur du Ministère Public Fédéral avant de devenir le premier brésilien noir à être ministre du STF. Des années plus tard, alors président du Collège, il aurait de l’importance dans le jugement de ce qui avait été appelé « mensalão » [NdT : le Scandale des Mensualités : une accusation de paiement de pots-de-vin à des députés en échange de leurs votes] et jouera un premier rôle dans la condamnation de membres du gouvernement Lula et dirigeants du PT.

JUILLET / 2003

Lula reçoit des leaders du MST [NdT : Mouvement des sans-terres ; une organisation qui milite pour que les brésiliens ne possédant pas de terre disposent de terrains (WikiPedia)] au Palais du Planalto. Il porte une casquette du mouvement, ratifie son engagement en relation à la réforme agraire et dit que les invasions gênent le processus.

OCTOBRE / 2003

Lula unifie les programmes sociaux tels que Faim Zéro et d’autres et crée le programme « Bolsa Familia », dont bénéficient 3,6 millions de familles dans un premier temps et qui se transformerait en figure de proue du gouvernement.

NOVEMBRE/ 2003

Lancement du programme “Lumière pour Tous” qui touche plus de 3 millions de résidences rurales jusqu’en 2014, universalisant ce droit à la population la plus pauvre.

JANVIER / 2004

Le PMDB adhère formellement à la coalition, garantissant ainsi la majorité parlementaire au gouvernement qui a dû négocier le soutien de petits partis les premières années et discuter dans le moindre détail chaque projet de loi.

FÉBRUARY / 2004

Le magazine “Época” publie la première accusation grave contre le gouvernement Lula. Waldomiro Diniz, alors sous-chef des Affaires Constitutionnelles et assesseur de José Dirceu, ministre-chef du Cabinet à la Présidence, est accusé d’avoir un lien avec Carlinhos Cachoeira, entrepreneur et bookmaker de Rio. Dans une vidéo divulguée par le propre Cachoeira, il apparait comme étant extorqué par Diniz. Des ressources seraient utilisées dans les campagnes du PT à Rio de Janeiro, et en échange, Diniz aiderait l’entrepreneur dans un concours public. Comme l’aide attendue n’est pas venue, Diniz a divulgué la vidéo.

A la fin de l’année le PIB brésilien enregistre une croissance de 5,2%, résultat surprenant si on le compare au 0,5% de l’année antérieure. Le taux maximal de croissance enregistré dans les huit années du gouvernement Fernando Henrique Cardoso avait atteint 4,4% en 2000. Lula assume le gouvernement d’un pays qui, en 2003, était la 13ème économie mondiale et huit ans plus tard, il rendrait le Brésil en 7ème position.

 JANVIER / 2005

Lula lance le programme “Université pour Tous » (ProUni), créé au Ministère de l’Éducation pour faciliter l’accès à l’Enseignement Supérieur à des jeunes de faible revenus, grâce a des bourses d’études en universités privées. Jusqu’à la fin du deuxième mandat, 750.000 élèves en bénéficieront.

JUIN / 2005

Lors d’un entretien à la “Folha de S. Paulo », le député fédéral Roberto Jefferson, président du PTB, accuse le gouvernement de payer des pots-de-vin à des députés en échange de votes favorables à des projets de loi de son intérêt. Un nouveau mot émerge au journal : le « mensalão ». C’est le début de la crise la plus grave du gouvernement Lula.

Accusé d’être le chef d’orchestre du « mensalão », le ministre du Cabinet à la Présidence, José Dirceu, démissionne. En quatre jours, l’homme fort du gouvernement Lula sera substitué par la femme forte du même gouvernement, l’alors ministre des Mines et de l’Énergie Dilma Rouseff.

DÉCEMBRE / 2005

 Le Brésil solde sa dette avec le Fonds Monétaire International (FMI).

FÉVRIER / 2006

Pour la première fois depuis les accusations du « mensalão », Lula mène les intentions de vote, dépassant les adversaires aux deux tours, dans tous les cas de figure possibles. Il redevient le candidat favori à la réélection.

MARS / 2006

Antonio Palocci, ministre des Finances, tombe. Il est soupçonné de violer le secret bancaire du rentier Francenildo Costa, qui l’avait accusé de fréquenter une mansion à Brasilia avec comme objectif de faire des affaires suspectes avec des lobbyistes. Il est remplacé par Guido Mantega, qui frustre tous ceux qui attendaient des changements importants dans l’économie à affirmer que les directives sont définies par le propre président, il dit alors : « Lula est le seul garant de la politique économique ».

Le Brésil entre en orbite. Marcos Pontes est le premier astronaute brésilien à voyager dans l’espace et à mettre le pied dans la Station Spatiale Internationale, lors d’une mission de dix jours, sélectionné par l’Agence Spatiale Brésilienne (AEB) et la NASA.

OCTOBRE / 2006

C’est le premier tour. Le candidat du PSDB, Geraldo Alckmin, obtient 41,6% des votes et frustre les expectatives de victoire de Lula au premier tour. Lula, absent au dernier débat, est le préféré de 48,6% de l’électorat.

Lula est réélu avec plus de 58 millions de voix, soient 60,8% de la masse électorale. En numéros absolus, c’est la plus grande votation obtenue par un chef d’État en Occident. Le record antérieur appartenait à Ronald Reagan, élu président des États-Unis avec 54,5 millions de votes en 1984. Alckmin se retrouve avec 39,1% des votes, moins de ce qu’il avait eu au premier tour.

L’IPCA [NdT : Indice National de Prix au Consommateur] enregistre une inflation annuelle de 3,14%, la plus faible depuis 1998. En 2002, dernière année du gouvernement précédent, elle avait été de 12,5%. Le résultat est célébré au gouvernement et a contribué pour l’approbation de la politique économique.

JANVIER / 2007

Lula prend le pouvoir un jour de pluie. Dans son discours, il définit les priorités pour les quatre ans à venir : accélérer, croitre et inclure.

Le gouvernement lance le Programme d’Accélération de la Croissance (PAC), un ensemble de mesures structurelles, qui inclut concession de crédits, stimulation à des investissements directs et réalisation d’œuvres d’infrastructure, principalement dans les secteurs sociaux tels qu’habitat, assainissement et transport. L’intention est de transformer le programme en principal label du second mandat, de même que la Bolsa Familia avait été le cheval de bataille des premiers quatre ans.

MARS / 2007

Le président des États-Unis, Georges W. Bush, visite le Brésil. À côté de Lula, il annonce un accord de coopération technologique pour la production d’éthanol.

JUIN / 2007

Bovespa [NdT : Bovespa est l’indice phare de la Bourse de São Paulo du Brésil] ferme le premier semestre avec une valorisation de 22%, la plus grande hausse depuis 1999.

AOÛT / 2007

Le STF reçoit toutes les accusations présentées contre les suspects d’implication avec le « mensalão ». Au total, il y a 40 prévenus.

OCTOBRE / 2007

Lors d’une cérémonie à Zurich, Suisse, la FIFA confirme que le Brésil est le pays hôte de la Coupe du Monde de 2014. Il n’y a pas de surprise, vu que c’était une candidature unique.

NOVEMBRE / 2007

On annonce la découverte de grandes réserves de pétrole dans la couche appelée pré-sal. Les réserves s’étendent du nord au sud de la baie de Campos. On estime les réserves à un équivalent de 2 milliards de barils.

MARS / 2008

Lula inaugure les œuvres du PAC dans le Complexe de l’Allemand à Rio de Janeiro [NdT : Complexe de l’Allemand = Gaza do Rio : un ensemble de 13 bidonvilles (favelas) dans le nord de Rio], et présente Dilma Rousseff comme la « mère du PAC ». La ministre-chef du Cabinet de la Présidence émerge comme probable candidate du PT à la succession présidentielle.

MAI / 2008

Invoquant un manque d’appui politique et faisant des critiques à l’agenda développementaliste du gouvernement, Marina Silva, ministre de l’Environnement depuis le début du premier mandat, remet sa démission et est substituée par Carlos Minc. En août de l’année suivante, elle abandonnera officiellement le PT pour intégrer l’opposition. Elle sera candidate à la Présidence en 2010, pour le Parti Vert (PV).

SEPTEMBRE / 2008

Lula se salit les mains de pétrole, en participant de la première extraction symbolique de la couche du pré-sal, sur une plateforme de la Petrobras installée dans le Camp de Jubarte, dans l’état d’Espirito Santo.

« J’ai eu le bonheur de mettre la main dans le pétrole, c’est une sensation que je pense unique pour un être humain qui a le privilège de diriger le pays en ce moment. (…) Si on imagine ce qui est programmé jusqu’à 2017, nous allons dépasser les deux mille milliards de R$ d’investissements dans l’économie brésilienne. »

NOVEMBRE / 2008

Barack Obama est élu président des Etats-Unis.

Le Banco do Brasil annonce l’achat de Nossa Caixa et reprend la place de plus grande banque du pays. Quelques semaines auparavant, le 3 novembre, la fusion entre Itaú et Unibanco avait formé un géant financier qui avait dépassé la banque publique.

DÉCEMBRE / 2008

Dans une déclaration officielle à la nation, Lula commémore le fait que le pays est sorti pratiquement indemne de la crise mondiale et en donne le crédit aux atouts de son gouvernement comme l’augmentation du salaire minimum, la réduction du chômage, et au volume de réserves en monnaie étrangère. Il dit : « Pendant les crises précédentes, le Brésil était sur les genoux en peu de jours et était obligé à demander de l’aide au FMI ». « Cette fois-ci, le Brésil n’est pas tombé, et ne va pas tomber. Il fait face à la situation la tête haute. Alors que la majorité des pays riches est en récession, le Brésil va continuer à croitre. »

« Si vous avez des dettes, essayez d’abord d’équilibrer votre budget. Par contre, si vous avez une petite somme en poche ou venez de recevoir le treizième mois, et vous voulez acheter un frigo, une gazinière, ou changer de voiture, ne frustrez pas votre rêve par peur du futur. Parce que si vous n’achetez pas, le commerce ne vend pas. Et si la boutique ne vend pas, elle ne passera pas de nouvelles commandes à l’usine. Et de là l’usine produira moins et à moyen terme, c’est votre emploi qui sera en péril. Donc quand votre famille et vous achetez un bien, non seulement vous réalisez un rêve. Vous êtes aussi en train de contribuer à maintenir la roue de l’économie en mouvement. Et ça c’est bon pour tout le monde. »

MARS / 2009

Par 10 votes contre 1, le STF maintient la frontière permanente de la réserve Raposa Serra do Sol, dans le Roraima [NdT : une des réserves d’indiens la plus grande du monde, 1,8 millions d’hectares], dans une victoire importante des indiens et des écologistes sur les ruralistes. La décision judiciaire consolide la principale borne du gouvernement Lula dans sa trajectoire en défense des indigènes.

Le programme « Ma Maison, Ma Vie » démarre, avec le support de la Caisse Économique Fédérale. Le plan habitationnel se propose de construire et remettre les clés d’un million de logements dans sa première phase, pour des familles ayant un revenu mensuel d’un maximum de 5 000 R$, au moyen de partenariats avec les états et municipalités. À la fin du mandat en décembre 2010, auront été engagées 1 million de maisons par le programme. En 2014, on passe la barre des 3 millions de logements, entre les livrés et les engagés.

AVRIL / 2009

Lors d’une réunion du G20, à Londres, le président des Etats Unis, Barack Obama, serre la main de Lula, se tourne vers le premier ministre d’Australie, Kevin Rudd, et lui dit, montrant le brésilien : « Ça c’est le mec ! J’adore ce mec. » Selon Obama, Lula est « l’homme politique le plus populaire de la Terre. »

Dilma Rousseff annonce qu’elle a un cancer et se soumet à la chimiothérapie pour vaincre le lymphome. Elle maintient la fonction durant le traitement, qui se prolongera cinq mois, jusqu’à la confirmation de la rémission.

JUILLET / 2009

La Commission de Constitution et Justice de la Chambre (CCJ) approuve à l’unanimité l’avis du député pétiste José Genoino pour l’archivage du Projet d’Amendement Constitutionnel présenté par le député Jackson Barreto, du PMDB, qui introduisait la possibilité d’une seconde réélection. En d’autres termes, l’idée d’un troisième mandat pour Lula est enterrée, idem pour les autres occupants de postes électifs majoritaires, comme les maires et les gouverneurs. Lula et le PT s’étaient positionnés contre ce changement.

L’expression « jamais avant dans l’histoire de ce pays », habituelle dans les discours de Lula, est moquée dans la presse et les réseaux sociaux. Le blogger Paulo Henrique Amorim surnomme le pétiste de « jamais d’avant ». Marcelo Tas lance le livre « Jamais avant dans l’histoire de ce pays », dans lequel il condense les phrases les plus drôles et les plus polémiques du président. En 2010, le propre blog du Planalto, organe de divulgation du gouvernement fédéral, publiera une série de posts intitulée « Jamais Avant » dans lesquels sont synthétisés les principaux exploits inédits de l’administration. Le 15 décembre 2010, il reviendrait sur le sujet pendant la cérémonie d’enregistrement au bureau notarial du bilan de son gouvernement :

«Beaucoup de monde est mal à l’aise quand je parle de cela. Beaucoup disent : « Lula découvre le Brésil ». Je ne découvre rien. Simplement nous faisons ce que les autres n’ont pas fait. Et quand les autres n’ont pas fait ce que nous faisons, on dit « jamais avant dans l’histoire du Brésil »

OCTOBRE / 2009

Avec l’émotion et les larmes de plusieurs personnes qui ont participé à la cérémonie à Copenhague, le Comité Olympique International annonce que la ville de Rio est sélectionnée comme siège des Jeux Olympiques de 2016.

Sort au cinéma le film « Lula : le fils du Brésil », dirigé par Fábio Barreto et inspiré par le livre homonyme, de Denise Paraná. Produit sans avoir recours à aucune loi de dégrèvement fiscal, le film a couté environ 17 millions de R$ et est sorti dans 513 salles.

FÉVRIER / 2010

Nommée par Lula, Dilma Rousseff est confirmée comme candidate à la présidence de la République au congrès national du PT.

JUILLET / 2010

Lula renforce la présence brésilienne en Afrique et établit des relations pour de futures collaborations entre les deux continents pendant un voyage officiel vers des pays comme la Guinée Équatoriale, le Kenya, la Tanzanie, la Zambie et l’Afrique du Sud. En huit ans de gouvernement, 19 nouvelles ambassades ont été ouvertes dans des pays africains. Et le commerce avec les pays du continent a été multiplié par trois.

AOÛT / 2010

À Divinopolis (MG), le président inaugure le campus Dona Lindu, extension de l’Université Fédérale de São João Del Rey (MG). Baptisée en hommage à sa mère, le local s’ajoute à la liste de 126 campus et 14 universités fédérales inaugurées sous le gouvernement Lula jusqu’à la fin du mandat.

OCTOBRE / 2010

Dilma Rousseff gagne au premier tour avec 47% des voix et dispute le second tour contre le « toucan » José Serra, qui obtient 33%. L’ex-pétiste et ex-ministre de l’Environnement Marina Silva (PV) arrive en troisième position, préférée par 19% de l’électorat.

Dilma est élue présidente de la République avec 55.752.529 votes (56%).

DÉCEMBRE / 2010

Lula enregistre devant notaire un bilan des huit ans de gouvernement. Le document comporte 310 pages et est signé par tous les ministres. Entre les actifs listés dans ce rapport, une attention particulière pour les résultats des politiques sociales et de répartition des revenus. Selon le texte, 27,9 millions de brésiliens sont sortis de la zone de pauvreté en huit ans. 15 millions d’emplois avec documents en règle ont été créés, réduisant le chômage à seulement 6,1% et permettant que pour la première fois dans l’histoire du Brésil, il y ait plus de travailleurs officiels qu’informels. 602.000 familles de sans-terres ont eu où s’installer, dans 3.400 nouvelles colonies qui ensemble représentent une superficie de 47,1 millions d’hectares, soit presque deux fois la superficie de l’état de São Paulo. En ce qui concerne l’agriculture, il y a eu des records successifs d’exportation, atteignant 73,9 milliards de dollars en 2010, année où le Brésil ferait sa meilleure récolte de céréales: 148 millions de tonnes. Dans le même temps, les indicateurs du milieu ambiant ne sont pas à la traine. Le Brésil a été responsable de 74% des secteurs protégés créés dans le monde dans la même période de huit ans. L’Amazonie a atteint son niveau le plus bas de déforestation en 23 ans de surveillance.

« Ce rapport est déposé moins pour grandir ce que nous avons fait que pour donner une photographie à la société brésilienne, pour que, voyant ce qui a été fait, elle perçoive aussi ce qui n’a pas été fait et ce qui doit être fait. »

L’IBOPE [Institut Brésilien de l’Opinion Publique et des Statistiques] communique la dernière enquête de popularité de l’année et arbore un assentiment record de 87% au gouvernement Lula.

Son dernier jour de gouvernement, Lula respecte l’avis du plaidoyer général de l’Union et refuse l’extradition de l’activiste de gauche Cesare Battisti vers l’Italie. La décision au sujet de son futur trainait depuis son arrestation en 2007 pour usage de faux passeport. Bien que le gouvernement italien fît pression pour l’extradition et que le STF estimât que la prison de l’activiste n’était pas pour un motif politique, Lula fait une lecture différente de l’épisode et décide de le maintenir au pays. Sa décision est rendue publique quelques heures avant de laisser la Présidence pour éviter que Dilma ne se retrouve à devoir gérer l’histoire.

Dans son ultime acte solennel au Palais du Planalto, Lula remercie son équipe et fait un discours dans lequel il se dit réalisé pour avoir réussi, par-dessus tout, à inaugurer un nouveau genre de relation entre le président et la société, plus ouverte et transparente. En huit ans, il a facilité plus de 50 conférences nationales avec différents secteurs de la société civile et a maintenu ouvertes les portes du Palais du Planalto pour des groupes qui n’y avaient jamais mis les pieds. Le 18 avril 2007, il a reçu une délégation de militants du mouvement de défense des droits des lépreux, comprenant des dizaines de malades. Le 24 mai, Lula décrètera sur-le-champ une mesure provisoire qui confère des droits d’indemnisation à vie pour les lépreux qui, en raison de la maladie, avaient été internés de force dans des hôpitaux-colonies de l’État.

JANVIER / 2011

Le 1er janvier 2011, le premier ouvrier à occuper la salle principale du Palais du Planalto remettra l’écharpe verte et jaune à la première femme président du Brésil.

« Je pense que le Brésil a changé. Le Brésil a changé dans la relation avec la société. Jamais auparavant les plus modestes n’avaient été traités avec autant de respect (…), jamais les étudiants et les professeurs n’avaient été traités avec le respect qui leur a été montré. Cela démontre le grand degré de maturité que le Brésil a atteint. »

LA VIE APRÈS LA PRÉSIDENCE

FÉVRIER / 2011

Lula retrouve son activité à l’Institut de la Citoyenneté, à São Paulo, et dirige son transfert vers l’Institut Lula. Lors de cette nouvelle phase, la priorité est codifier l’apprentissage acquis avec l’expérience au gouvernement et promouvoir un échange mondial d’idées et d’initiatives, avec un accent spécial sur l’Afrique et l’Amérique Latine. L’idée de construire à São Paulo un Mémorial de la Démocratie est annoncée, récupérant la longue lutte du peuple brésilien pour arriver à l’étape actuelle de changements révolutionnaires par des voies pacifiques.

MARS / 2011

Lula donne sa première conférence en tant qu’ex-président à un public d’exécutifs de la compagnie LG.

JUIN / 2011

Le prestige international de Lula et du Brésil garantissent l’élection du brésilien José Graziano da Silva, ministre du combat contre la faim en 2003, au poste important de directeur général de la FAO, prouesse qui se répétera en 2013 avec l’élection de l’ambassadeur Roberto Azevedo comme directeur général de l’OMC.

OCTOBRE / 2011

Lula est diagnostiqué avec un cancer de la gorge. Les mois suivants, il sera soumis à une chimio et radio thérapie, dans un traitement agressif dirigé par le cardiologue Roberto Kalil Filho. Pour la première fois depuis 1979, Lula apparait sans barbe.

MARS / 2012

Cinq mois après le diagnostic du cancer, Lula fait des examens à l’Hôpital Sírio Libanês, qui lui confirment la rémission complète de la tumeur.

« Une chose que j’ai apprise et que je peux suggérer est que le patient (…) doit avoir de la discipline. Il doit suivre les conseils. Il n’y aura rien de sympa, rien d’agréable, tout est dur mais il doit savoir que le résultat de tout cela est la vie. Seulement par le fait de savoir que le résultat d’être discipliné lui garantira le droit de vivre, toute souffrance est justifiée. »

Libéré par les médecins, Lula s’engage dans les campagnes électorales du PT et visite 12 capitales. Le parti gagne des victoires importantes, comme celle de Luciano Cartaxo, à João Pessoa, et celle d’Elmano de Freitas à Fortaleza, en plus de la célébrée élection de Fernando Haddad, à São Paulo : un politicien peu connu, recommandé par Lula, reproduisant le phénomène Dilma Rousseff.

DÉCEMBRE / 2012

La conférence internationale « Forum pour le Progrès Social : la croissance pour sortir de la crise » se tient à Paris. Lancée par l’Institut Lula en collaboration avec la fondation française Jean-Jaurès, du parti socialiste, elle a comme objectif réunir des économistes et des personnalités internationales autour de stratégies qui permettent aux pays de surmonter les secousses de l’économie mondiale et, en même temps, de préserver les emplois et garantir le développement. La présidente Dilma Rousseff et le président François Hollande sont présents à la cérémonie d’ouverture. Une deuxième manche est programmée pour le milieu de l’année prochaine, cette fois à São Paulo.

MARS / 2013

Lula publie dans le New York Times un article sur la mort du président Hugo Chavez. C’est le début des négociations pour que l’ex-président collabore tous les mois avec le journal américain. Le 23 avril, le contrat est officiellement signé et à partir de juin, Lula signe une colonne mensuelle distribuée par l’agence de presse du NYT, pas obligatoirement véhiculée par l’édition papier. Dans son texte inaugural, il aborde les manifestations qui ont occupé les rues du Brésil après des protestations sur l’augmentation du prix du ticket de bus.

« Les préoccupations des jeunes ne sont pas que matérielles. Ils veulent un meilleur accès aux loisirs et aux activités culturelles. Mais par-dessus tout, ils exigent des institutions politiques plus propres et plus transparentes, sans les distorsions du système politique et électoral anachronique du Brésil, qui récemment s’est montré incapable de faire passer une réforme. On ne peut nier la légitimité de ces demandes. »

JUIN / 2013

“Nouvelles méthodes unifiées pour éradiquer la faim en Afrique” est le titre de la rencontre internationale réalisée à Addis-Abeba en Éthiopie, promue par l’Institut Lula en partenariat avec la Commission de l’Union Africaine (AUC) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). L’objectif est d’éradiquer la faim du continent avant 2025, où 245 millions de personnes n’ont rien à manger.

NOVEMBRE / 2013

Lula est un des 120 dirigeants des dix pays différents réunis au séminaire « Développement et Intégration en Amérique Latine » à Santiago du Chili. L’objectif de l’évènement est de discuter l’approfondissement des relations physiques, économiques, énergétiques et sociales entre les pays de la région. Le séminaire est organisé par l’Institut Lula en collaboration avec la Commission Économique pour l’Amérique latine (CEPAL), la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et la Banque de Développement d’Amérique Latine (CAF). Au long de l’année, Lula se rendra dans une dizaine de pays sud-américains : Chili, Argentine, Cuba, Colombie, Équateur, Mexique, Pérou, République Dominicaine, Uruguay et Venezuela. L’Institut Lula maintient un groupe de travail nommé Initiative Amérique Latine en parallèle à Initiative Afrique.

Source: Instituto Lula / lula.com.br | Traduit par Marc Cabioch.