Pourquoi je veux à nouveau être président du Brésil
Je suis candidat à la présidence du Brésil, pour les élections d’octobre, car je n’ai commis aucun crime et parce que je sais que je peux faire en sorte que le pays reprenne le chemin de la démocratie et du développement pour notre peuple.
Après tout ce que j’ai accompli comme président de la République [entre 2003 et 2010], j’ai la certitude que je pourrai redonner au gouvernement toute sa crédibilité, sans laquelle il ne peut y avoir de développement économique ni de défense des intérêts nationaux. Je suis candidat pour rendre aux pauvres et aux exclus leur dignité, pour garantir leurs droits et leur
donner l’espoir d’une vie meilleure.
Rien dans ma vie ne fut facile, mais j’ai appris à ne pas renoncer. Quand j’ai commencé à faire de la politique, il y a plus de quarante ans, il n’y avait pas d’élections dans le pays, pas de droit pour les organisations syndicales et politiques. Nous avons affronté la dictature et créé le Parti des travailleurs (PT), croyant à la démocratie. J’ai perdu trois élections présidentielles avant d’être élu en 2002. J’ai prouvé, avec le peuple, que quelqu’un d’origine modeste pouvait être un bon président. J’ai achevé mes deux mandats avec 87 % d’approbation. C’est le niveau de rejet de l’actuel président du Brésil [Michel Temer], qui n’a pas été élu.
Au cours des huit années durant lesquelles j’ai gouverné ce pays, nous avons eu la plus forte inclusion sociale de l’histoire, qui s’est poursuivie lors du gouvernement de ma camarade Dilma Rousseff. Nous avons sorti de l’extrême misère 36 millions de personnes et permis à 40 millions de rejoindre la classe moyenne. Notre pays a connu un prestige international exceptionnel. En 2009, Le Monde m’a désigné « homme de l’année ». J’ai reçu cet hommage comme les autres, non comme un mérite personnel, mais comme une marque de reconnaissance de la société brésilienne.
Sept ans après avoir quitté la présidence et après une campagne de diffamation contre moi et mon parti de la part de la plus puissante société de presse brésilienne et de secteurs judiciaires, le pays vit un autre moment : celui des reculs démocratiques et d’une crise économique prolongée. La population la plus pauvre souffre du chômage et de la baisse des salaires, de la hausse du coût de la vie et de la déconstruction des programmes sociaux.
Chaque jour, toujours plus de Brésiliens rejettent l’agenda contre les droits sociaux établi après le coup d’Etat parlementaire, qui a ouvert la voie à un programme néolibéral. Un programme que les électeurs avaient rejeté quatre fois par les urnes. Je domine, avec une forte marge, les enquêtes d’intentions de vote au Brésil, car les Brésiliens savent que le pays peut aller mieux.
On a saccagé ma maison et celles de mes enfants, on a épluché mes comptes personnels et ceux de l’Institut Lula. Mais ils n’ont trouvé aucune preuve contre moi, aucun crime à me reprocher. Un juge notoirement partial m’a condamné à douze ans de prison pour « faits indéterminés ». Il allègue, faussement, que je serais le propriétaire d’un appartement dans lequel je n’ai jamais dormi, dont je n’ai jamais eu la propriété, la jouissance ni même les clés. Pour tenter de m’empêcher de disputer les élections ou de faire campagne pour mon parti, ils ont dû ignorer des paragraphes de la Constitution brésilienne.
Mais mes problèmes sont dérisoires au regard de la souffrance du peuple brésilien. Pour enlever le pouvoir au PT après les élections de 2014, ils n’ont pas hésité à saboter l’économie par des décisions irresponsables du Congrès et à organiser une campagne de dénigrement du gouvernement orchestrée par les médias. En décembre 2014, le taux de chômage était de
4,7 % [de la population active] au Brésil. Il est aujourd’hui de 13,1 %.
La pauvreté a augmenté, la faim vient rôder et les portes des universités se ferment à nouveau pour les enfants de la classe ouvrière. Les investissements pour la recherche s’effondrent.
Le Brésil doit reconquérir sa souveraineté et ses intérêts nationaux. Sous le gouvernement du PT, le Brésil a agi sur la scène internationale pour stimuler la défense de l’environnement et la lutte contre la faim. J’étais invité à toutes les réunions du G8 et j’ai aidé à l’articulation du G20. J’ai participé à la création des BRICS, réunissant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et
l’Afrique du Sud, et de l’Union des nations sud-américaines (Unasur). Aujourd’hui, le Brésil est devenu un paria de la politique étrangère. Les leaders internationaux évitent de visiter le pays. L’Amérique du Sud se fragmente, avec des crises régionales de plus en plus graves et un recours aux instruments diplomatiques de plus en plus faible.
Une partie de la population même qui a soutenu la chute de la présidente Dilma Rousseff, après une intense campagne des sociétés du groupe Globo, qui monopolisent la communication dans le pays, s’est rendu compte que le coup d’Etat n’était pas contre le PT. Il était contre l’ascension sociale des plus pauvres et contre les droits des travailleurs. Contre le Brésil.
J’ai quarante ans de vie publique. J’ai commencé dans le mouvement syndical. J’ai fondé un parti politique avec les camarades de l’ensemble du pays et nous avons lutté, ensemble, contre les forces politiques de la décennie de 1980, pour une Constitution démocratique. Candidat à la présidence, j’ai promis, j’ai lutté et j’ai tenu ma promesse afin que tous les Brésiliens aient droit à trois repas par jour et ne connaissent pas la faim que j’ai connue enfant.
J’ai gouverné l’une des plus grandes économies du monde et je n’ai pas cédé aux pressions pour appuyer la guerre en Irak ou d’autres actions militaires. Ma guerre était contre la misère et la faim. Je n’ai pas soumis mon pays et ses richesses naturelles aux intérêts étrangers. Après mes mandats, je suis retourné vivre dans le même appartement que j’habitais avant d’être président, à moins d’un kilomètre du syndicat des métallurgistes de la ville de Sao Bernardo do Campo [dans la banlieue de Sao Paulo], où j’ai commencé ma vie politique. J’ai de l’honneur et je ne ferai, jamais, de concession dans le combat pour prouver mon innocence et conserver mes droits politiques. En tant que président, j’ai défendu, par tous les moyens, la lutte contre la corruption et je n’accepte pas qu’on m’impute ce type de crime par le biais d’une farce judiciaire.
Les élections d’octobre, qui donneront un nouveau président, un nouveau Congrès et de nouveaux gouverneurs d’Etat, sont une opportunité pour que le Brésil débatte de ses problèmes et définisse son avenir de façon démocratique, par le vote, comme une nation civilisée. Mais elles ne seront démocratiques que si toutes les forces politiques peuvent y participer de façon libre et juste.
J’ai déjà été président et il n’était pas dans mes plans de me porter à nouveau candidat. Mais face au désastre qui s’abat sur le peuple brésilien, ma candidature est une proposition pour que le Brésil retrouve le chemin de l’inclusion sociale, du dialogue démocratique, de la souveraineté nationale et de la croissance économique pour la construction d’un pays plus juste et solidaire. Un pays qui redeviendrait une référence dans le discours mondial en tant que défenseur de la paix et de la coopération entre les peuples.
Cet article a été publié originellement sur Le Monde.