9 juillet 2018

Un ordre de libération de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva a fait l’effet d’une bombe dimanche au Brésil, avant d’être annulé quelques heures plus tard, soulignant le désordre politique du pays à trois mois d’une des élections présidentielles les plus incertaines de son histoire.

Tandis que les partisans de Lula commençaient déjà à fêter sa libération imminente trois mois après son incarcération pour corruption, le juge Joao Pedro Gebran Neto a décidé de le maintenir en prison. Il a annulé ainsi la décision d’un magistrat de la même cour d’appel, le TRF4 de Porto Alegre.

Le magistrat en question, Rogerio Favreto, se trouvait de permanence ce week-end au TRF4, et avait décidé à la surprise générale d’accepter une demande d’Habeas Corpus présentée vendredi par plusieurs députés du Parti des Travailleurs (PT), fondé par Lula en 1980. Il avait même demandé que cette libération ait lieu dès dimanche, «selon le régime d’urgence».

Après une levée de boucliers de plusieurs instances du pouvoir judiciaire, le juge Gebran Neto a été catégorique, décidant que la police fédérale devait s’abstenir «de pratiquer un quelconque acte qui modifie la décision collégiale» d’emprisonner Lula, condamné à 12 ans et un mois de prison pour corruption, prise par ce même TRF4 en janvier dernier.

Même s’il avait été remis en liberté, l’ex-président (2003-2010), en tête des intentions de vote pour le scrutin d’octobre, verrait probablement sa candidature invalidée par le tribunal électoral, en vertu d’une loi qui interdit à tout candidat déjà condamné en appel de se présenter.

Bras de fer
L’ordre de libération de dimanche a fait l’effet d’une bombe au Brésil. Le juge anticorruption Sergio Moro, qui a condamné Lula en première instance en juillet 2017, avait affirmé dans un document officiel dans la foulée que le juge Favreto n’avait pas la compétence pour prendre cette décision.

Le bras de fer judiciaire s’est poursuivi avec une demande officielle du Parquet fédéral de faire machine arrière, reprenant l’argument de Sergio Moro en affirmant que le juge de permanence n’a pas la compétence d’examiner une demande d’Habeas Corpus.

Les médias brésiliens ont rappelé dimanche que le juge Favreto, ancien avocat, avait été membre du PT de 1991 à 2010, date à laquelle il avait accédé à la magistrature. Le PT a lancé un appel à la mobilisation, dans un communiqué ayant pour titre «la liberté de Lula est la liberté du Brésil». Le parti s’est insurgé contre l’annulation de l’ordre de libération dans ce communiqué, estimant qu’il est «inconvevable» que la décision d’un juge du TRF4 ne soit pas respectée. «Les garanties constitutionnelles et de l’Etat de droit ont été rompues! Tous à Curitiba, tous dans la rue», a affirmé pour sa part sur Twitter Gleisi Hoffmann, présidente de cette formation politique.

Recours en série
Accusé d’avoir reçu un appartement en bord de mer pour favoriser une entreprise de bâtiment pour l’obtention de marchés publics, Lula nie farouchement et se dit victime d’un complot pour l’empêcher de briguer un troisième mandat.

Figure de proue de la lutte anticorruption au Brésil, Sergio Moro a connu plusieurs revers ces dernières semaines, avec la libération le 26 juin de José Dirceu, ex-homme fort du gouvernement Lula, et l’acquittement récent de Gleisi Hoffmann, également accusée de corruption.

La défense de Lula avait multiplié les recours auprès de la Cour suprême (STF) pour réclamer sa libération, sans succès. Ses avocats considèrent que l’icône de la gauche doit demeurer en liberté le temps que tous les recours soient épuisés, mais le STF avait décidé en avril d’appliquer une jurisprudence selon laquelle toute personne condamnée en deuxième instance devait être incarcérée.

 

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