8 avril 2019
Photo: Rodolfo Buhrer/Reuters.

Le 7 avril 2018, l’ancien président du Brésil était incarcéré au terme d’un procès inique, visant à l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle, remportée depuis par l’extrême droite. Des personnalités et des milliers de personnes par le monde exigent la libération de Lula et le respect de la démocratie.

Luiz Inacio Lula da Silva reste un homme libre, malgré les barreaux qui l’entourent. Injustement incarcéré le 7 avril 2018, l’ancien président du Brésil (2003-2010) purge une peine de douze ans dans la prison de Curitiba (sud). Il n’a jamais cessé de clamer son innocence. Devant l’enceinte du pénitencier où il est reclus, les soutiens du cofondateur du Parti des travailleurs (PT, gauche) organisent depuis un an des veillées pour exiger sa libération. Hier encore, à Paris, mais également dans d’autres capitales, ils étaient des milliers à plaider pour son élargissement, à l’appel du comité international de solidarité avec l’ex-chef de l’État. L’Humanité s’associe à cet élan mondial, en relayant dans nos colonnes les témoignages de quelques-unes des nombreuses personnalités qui demandent sa libération mais également que la justice et la démocratie soient respectées.

« Le Brésil traverse l’un des moments les plus critiques de son histoire. Le processus de développement avec inclusion sociale, lancé en 2003, qui a suscité une telle admiration autour de la planète, a été violemment interrompu. Ce pays qui a sauvé des millions de personnes de l’extrême pauvreté, qui s’est sorti de la carte mondiale de la faim pour la première fois en cinq cents ans, (…) qui s’est battu pour la paix entre les peuples, est aujourd’hui son exact opposé », nous écrit Lula du fond de sa cellule où il est soumis à l’isolement.

La victoire de Jair Bolsonaro à la présidentielle d’octobre 2018 a parachevé un processus de déstabilisation politico-judiciaire visant à déloger la gauche du pouvoir, plongeant le Brésil dans les bras de l’extrême droite. Le coup d’État parlementaire contre la présidente Dilma Rousseff deux ans plus tôt a précipité la rupture de l’ordre constitutionnel. L’inculpation puis la condamnation de Lula, dans le cadre de l’opération anticorruption « Lava Jato » au sein de la compagnie pétrolière Petrobras menée par le controversé juge Sergio Moro, ont été instrumentalisées à des fins politiques. L’ancien métallo a été condamné le 24 janvier 2018, au prétexte d’avoir bénéficié d’un triplex d‘une entreprise du bâtiment en échange de marchés publics.

Le juge Moro a reconnu qu’il n’avait aucune preuve de sa culpabilité mais qu’il en était convaincu. Il a également justifié sa sentence sur la base de la « délation récompensée » d’un ancien cadre de cette entreprise qui a joui d’une remise de peine à la faveur d’un témoignage à charge contre Lula. Le principe de « convictions » n’existe pas dans le droit pénal brésilien, comme l’ont rappelé pas moins de 3 000 juristes dans une pétition. Le leader du PT a été incarcéré alors qu’il existait plusieurs appels, violant ainsi le principe judiciaire selon lequel on ne peut emprisonner tant que les recours ne sont pas épuisés. Quant à la présomption d’innocence, elle a été piétinée.

Malgré une campagne de diffamation, l’homme qui a contribué à sortir 36 millions de Brésiliens de l’extrême pauvreté était donné largement favori de l’élection présidentielle. Il en a été écarté, au mépris des recommandations des Nations unies. Le juge Sergio Moro a depuis été chaudement promu ministre de la Justice par Jair Bolsonaro pour bons et loyaux services. « Lula vit une terrible injustice au terme d’un processus judiciaire vicié. Sa condamnation est injuste, illégale. Elle visait à l’empêcher de disputer l’élection présidentielle. C’est une décision politique et, de ce fait, Lula est un prisonnier politique », soutient Kjeld Jakobsen, secrétaire exécutif du comité international de solidarité.

L’acharnement ne connaît pas de fond. En février, la juge Gabriela Hardt, qui remplace Sergio Moro dans l’opération « Lava Jato », a condamné Lula à une nouvelle peine de douze ans pour une sombre affaire de rénovation d’une propriété qui n’appartient pas à l’ex-président. Là encore, les preuves font défaut. En tout, il est visé par une centaine d’affaires, compliquant la tâche de ses avocats, qui, depuis des mois, poursuivent leur défense sans moyens financiers, après que les avoirs de Lula ont été gelés.

Le sort du prisonnier politique préoccupe. Le prix Nobel de la paix Adolfo Perez Esquivel, qui a promu sa candidature afin qu’il soit lui aussi récipiendaire de cette prestigieuse distinction au nom du combat qu’il a livré contre la faim au Brésil, a dit craindre pour l’intégrité physique de Lula. « La défense de la libération de Lula s’inscrit dans le combat pour la démocratie. Ce qui se passe au Brésil est une véritable honte, a tancé le célèbre chanteur Chico Buarque. Nous allons lutter sans trêve pour sa liberté et pour la démocratie. »

L’Humanité