9 juin 2020
Jair Bolsonaro et Sergio Moro. Photo: Isac Nóbrega/PR

Il y a exactement un an, The Intercept Brasil a lancé une série de reportages qui ont secoué le Brésil, connue sous le nom de scandale #VazaJato. Le site Web a publié près de 100 articles en association avec d’autres médias qui ont montré les coulisses du Lava Jato et dénoncé les abus, les illégalités, les motivations politiques et les fautes commises par les agents publics responsables de l’opération.

Les rapports étaient basés sur des fuites de conversations privées de l’application Telegram, tenues principalement entre les procureurs de la force opérationnelle, le coordinateur de l’opération Deltan Dallagnol et l’ancien juge, et maintenant ancien ministre de la Justice, Sergio Moro.

Les échanges de messages ont montré que le juge chargé de juger et de prononcer les jugements en première instance faisait office de coordinateur de fait des procureurs, c’est-à-dire du parquet. Le juge de l’époque a dirigé les enquêtes au moyen d’indices informels, évalué des pièces écrites par les procureurs, suggéré l’ordre et la fréquence des opérations et s’est ingéré dans la négociation des demandes d’attribution, entre autres comportements contraires à l’éthique et illégaux. L’objectif d’une coopération indue avec le groupe de travail était explicite dans les conversations: détruire l’image de l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva et exclure le Parti des travailleurs du gouvernement. Depuis, ils ont toujours travaillé pour empêcher la candidature de Lula aux élections de 2018.

Ils ont réussi à empêcher Lula d’être candidat. Sergio Moro a condamné l’ancien président pour «actes indéterminés» – ce qui ne veut rien dire – dans le cas du triplex de Guarujá et l’ancien président a été emprisonné avant le premier tour des élections. Il est resté prisonnier politique jusqu’au 8 novembre 2019. Jair Bolsonaro a été elu à la présidence de la République et Moro, à son tour, est devenu ministre de la Justice et de la Sécurité publique du nouvel gouvernement.

La conduite de l’ancien juge Sergio Moro a violé les garanties d’une procédure régulière et, avec elle, une série de dispositions juridiques nationales et internationales. La liste est longue : le Code d’éthique de la magistrature, le Code de procédure pénale, la Constitution fédérale, la Déclaration américaine des Droits et Devoirs de l’Homme, le Traité de San José au Costa Rica et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

Les révélations ont choqué des juristes de renommée internationale, qui ont considéré cette conduite comme une violation de l’État de droit démocratique. Des avocats, des juges, d’anciens ministres de la justice et d’anciens membres des cours supérieures de justice de plusieurs pays ont publié un manifeste conjoint appelant la Cour suprême du Brésil à annuler les procédures illégales et à libérer l’ancien président (alors prisonnier politique au siège de la Police fédérale de Curitiba).

La demande à la Cour suprême aurait peu de chances: au moins trois des onze ministres de la Cour suprême, un organe de la troisième instance du système judiciaire brésilien, ont été impliqués dans le scandale #VazaJato parce qu’ils s’étaient alliés à Sergio Moro et le groupe de travail de l’opération contre Lula.

La presse internationale a également été scandalisée. Depuis, de grands médias tels que Le Monde, The Guardian, The New York Times, The Washington Post, Al Jazeera et El País font écho aux publications d’Intercept, en particulier après que Moro (déjà ministre de la Justice et de la Sécurité publique) ait ouvert des enquêtes contre Glenn Greenwald, et Bolsonaro menace ouvertement le fondateur d’Intercept Brasil de prison pour son travail sur la série de rapports.

Cela n’a servi à rien. Malgré les nombreuses dénonciations de la presse nationale – elle agit toujours de manière douteuse – et internationale et, même du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, les condamnations contre Lula ont été réitérées, et l’état de droit, en fait, n’existe pas pour Luiz Inácio Lula da Silva.

Un an après le début de #VazaJato et la confirmation des soupçons de Sergio Moro, les procédures contre le chef du Parti des travailleurs qui, si justice avait été rendue auraient dû être rejetées, sont toujours en cours. Lula est libéré, mais il n’est pas libre.

*Lava Jato était le nom d’une vaste action « anticorruption » menée par Sergio Moro, traduit par Lavage Express. Vaza Jato est un jeu de mots qui désigne l’action spécifique contre Lula et peut se traduire par Dossier Vide ou Pétard Mouillé.

Traduit par Francis Gast.