4 mars 2020
Photo: Ricardo Stuckert

L’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva a rencontré ce mardi (3) l’économiste Thomas Piketty, à l’École d’Économie de Paris. L’auteur de «Le Capital au XXIème siècle» a coordonné un laboratoire d’études sur les inégalités dans le monde et profité de la visite de l’ex-président à Paris pour inviter Lula à présenter l’expérience brésilienne de lutte contre la pauvreté.

La question des inégalités a été au cœur de l’agenda de Lula ces derniers mois. «Je tiens à vous remercier de m’avoir permis de débattre d’un sujet qui m’est très cher. Nous devons considérer les inégalités comme un problème politique, une question de dignité humaine. Il n’y aura pas de réduction des inégalités si nous ne touchons pas au cœur de la richesse», a-t-il estimé.

La réunion a réuni des chercheurs sur les inégalités du monde entier, en particulier en Amérique latine et au Brésil. «Il est très difficile de comprendre le Brésil si l’on ne tient pas compte de 350 ans d’esclavage. Nous sommes une société esclavagiste, bien que l’esclavage ait été officiellement aboli. Il existe dans l’économie brésilienne. Il existe dans le patrimonialisme. L’élite brésilienne n’a jamais vraiment pris en compte la nécessité d’améliorer la qualité de vie des plus pauvres », a déclaré l’ex-président.

Lula a également réfléchi aux défis pratiques de la mise en œuvre des politiques de réduction des inégalités durant les années où il a été à la tête de la présidence. «Pour faire une réforme, il faut savoir pour quoi et pour qui. Et être conscient de la corrélation des forces dans la société et les institutions », a-t-il souligné.

«Lorsque j’ai remporté les élections en 2002, le Congrès National comptait 513 députés. Je n’en avais que 91. Sur 88 sénateurs, nous n’en avions que 14. Lorsque Dilma a gagné, les députés sont passés de 91 à 72 et les sénateurs à six. Et la majorité a travaillé pour le maintien du statu quo ou pour son propre programme ». Pour Lula, cette logique a provoqué un affaiblissemebt de l’État. “Un mécanisme a été créé où la société privée s’est mise à diriger l’État”.

L’ex-président a également exposé les programmes sociaux tels que Bolsa Família(Panier Familial), Luz Para Todos (Lumière pour tous) et ProUni, qui ont marqué l’héritage des gouvernements du Parti des Travailleurs, et montré comment ces mesures ont encouragé l’économie, provoquant même une contrariété dans certains secteurs de l’élite. «Redéployer de la richesse était une décision contre tout et tous. Contre les soi-disant experts. Lorsque nous avons pris la décision de créer le programme Fome Zero (Zéro Faim), de nombreuses personnes au Brésil ont écrit qu’il valait mieux investir dans les routes, dans les infrastructures. Mon argument était: les gens ne mangent pas de ciment. Les gens mangent des haricots et du riz et c’est ce dont ils ont besoin maintenant ».

«Il n’y a aucune justification humanitaire quand un citoyen a 100 milliards de dollars sur son compte et que 100 millions de personnes n’ont rien à manger. Je ne sais pas combien de temps je vais vivre. Mais si je le peux, je veux contribuer à susciter l’indignation face à la concentration des revenus dans le monde », a déclaré Lula.

Au final, Piketty a annoncé que la réunion devrait être la première d’une importante collaboration sur le thème des inégalités. «C’était très intéressant. Nous devons nous assurer de rester en contact dans cet échange et nous allons essayer d’aller au Brésil avec notre équipe pour approfondir ce débat », a déclaré l’économiste.

lula.com.br | Traduit par Francis Gast.